Récit de Séminaire 2
Récit de Séminaire 2
Récit de Séminaire 2
Texte : Alice Bafoin
Crédit photos: Laure Le Berre, Rafael Alarcon
Crédit photos: Laure Le Berre, Rafael Alarcon
Le 10 novembre 2015, une présentation du livret de recettes "Saberes de parteras mayas" a eu lieu dans le cadre du séminaire "Parterias en Chiapas" (Sages-femmeries dans le Chiapas).
Ce dernier livret de recette a été édité suite à la rencontre de femmes et sages-femmes traditionnelles de 2014. 1000 exemplaires furent imprimés, la moitié destinée à retourner dans les communautés autochtones lors de visites ou d'ateliers de la section Femmes et Sages-Femmes d'OMIECH, l'autre moitié est destinée à la vente, dans le but d'auto-financer en partie les activités de cette organisation.
Tierra Adentro
Cet évènement, qui eu lieu à Tierra Adentro, un café populaire au centre de San Cristobal de Las Casas, commença par un chant traditionnel de Fernando Hernandez Ojob, suivi d'une introduction et projection du documentaire d'Agripino Ico Bautista "Savoirs des Sages-Femmes Indigènes du Chiapas".
Mounia El Kotni
Mounia El Kotni, doctorante en anthropologie (Université d'Albany, NY), fit une intervention vidéo, car à distance, sur l'un des chapitres de sa thèse.
Rafael Alarcon
Puis Rafael Alarcón, qui fut assistant pour OMIECH pendant 30 ans, présenta l'historique des livrets réalisés dans le passé en en expliquant le concept.
Dona Candelaria, Dona Juana y Micaela Ico Bautista
Enfin, les sages-femmes traditionnelles invitées (originaires des régions de Chenalho et Huixtan) ainsi que Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes, prirent la parole et répondirent aux questions. Alba Ramirez, étudiante en licence de la UNACH (Chiapas), était modératrice de l'évènement, tandis qu'Alice Bafoin (Association Mâ) et Irazu Gomez, étudiante en master de la UNAM (Chiapas) aidaient à l'organisation.
Le public était composé de personnes de tous horizons: sages-femmes de tous horizons (Hospital de Las Culturas et de Chamula et du foyer pour femmes et maison de naissance Yach'il Antzetic), des chercheurs de différents universités, un réalisateur de documentaires sur les sages-femmes, des médecins, des journalistes, des professeurs, des doulas, des parents et futurs parents, ...
A la suite de cet évènement, nous avons reçu beaucoup d'encouragements à perpétuer ces rencontres, de la part de personnes touchées ou passionnées par ces échanges difficilement accessibles dans un autre contexte. Mais nous avons aussi fait le désagréable constat qu'une appropriation abusive des informations partagées avaient été utilisées à l'encontre des sages-femmes traditionnelles Indigènes dans le but de promouvoir un modèle "plus moderne" de profession de sage-femme importé des Etats-Unis. Les porteuses de cette initiative au niveau national ont cru approprié de se moquer ouvertement des sages-femmes traditionnelles Indigènes en peignant un portrait négatif et obsolète lors d'une interview télévisé alors qu'elles assuraient la promotion de leur forum annuel. Une attitude raciste et discriminante est la seule solution trouvée par les représentantes de cette association nationale de nouvelles sages-femmes occidentales pour revendiquer leur existence dans un pays où la figure de la sage-femme est encore représentée par une femme indigène dans l'esprit des gens.
A l'issu ce cette triste découverte, nous avons été découragés de poursuivre ce modèle de séminaire, en raison de l'utilisation des informations partagées à l'encontre de notre objectif premier. D'après les anciens d'OMIECH, ça n'est pas leur première claque du genre. Mais pour certaines collaboratrices externes, ça été un constat extrêmement décevant.
En souhaitant de tout coeur que les mentalités évoluent à l'avenir...
***
Récit de Séminaire
Texte : Alice Bafoin
Crédit photos : Fernando Hernandez Ojob
Module 1 :
« Les différentes catégories de parteras
(sages-femmes) dans le Chiapas, Mexique. »
Session 1 :
« Les parteras Autochtones
traditionnelles dans les hautes-plateaux du Chiapas. Le cas de la Section
Femmes & Sages-Femmes de l’Organisation des Médecins Indigènes de l’État du
Chiapas, (OMIECH). »
Le 10 novembre 2015, une présentation du livret de recettes "Saberes de parteras mayas" a eu lieu dans le cadre du séminaire "Parterias en Chiapas" (Sages-femmeries dans le Chiapas).
Ce dernier livret de recette a été édité suite à la rencontre de femmes et sages-femmes traditionnelles de 2014. 1000 exemplaires furent imprimés, la moitié destinée à retourner dans les communautés autochtones lors de visites ou d'ateliers de la section Femmes et Sages-Femmes d'OMIECH, l'autre moitié est destinée à la vente, dans le but d'auto-financer en partie les activités de cette organisation.
Tierra Adentro |
Cet évènement, qui eu lieu à Tierra Adentro, un café populaire au centre de San Cristobal de Las Casas, commença par un chant traditionnel de Fernando Hernandez Ojob, suivi d'une introduction et projection du documentaire d'Agripino Ico Bautista "Savoirs des Sages-Femmes Indigènes du Chiapas".
Mounia El Kotni |
Mounia El Kotni, doctorante en anthropologie (Université d'Albany, NY), fit une intervention vidéo, car à distance, sur l'un des chapitres de sa thèse.
Rafael Alarcon |
Puis Rafael Alarcón, qui fut assistant pour OMIECH pendant 30 ans, présenta l'historique des livrets réalisés dans le passé en en expliquant le concept.
Dona Candelaria, Dona Juana y Micaela Ico Bautista |
Enfin, les sages-femmes traditionnelles invitées (originaires des régions de Chenalho et Huixtan) ainsi que Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes, prirent la parole et répondirent aux questions. Alba Ramirez, étudiante en licence de la UNACH (Chiapas), était modératrice de l'évènement, tandis qu'Alice Bafoin (Association Mâ) et Irazu Gomez, étudiante en master de la UNAM (Chiapas) aidaient à l'organisation.
Le public était composé de personnes de tous horizons: sages-femmes de tous horizons (Hospital de Las Culturas et de Chamula et du foyer pour femmes et maison de naissance Yach'il Antzetic), des chercheurs de différents universités, un réalisateur de documentaires sur les sages-femmes, des médecins, des journalistes, des professeurs, des doulas, des parents et futurs parents, ...
A l'issu ce cette triste découverte, nous avons été découragés de poursuivre ce modèle de séminaire, en raison de l'utilisation des informations partagées à l'encontre de notre objectif premier. D'après les anciens d'OMIECH, ça n'est pas leur première claque du genre. Mais pour certaines collaboratrices externes, ça été un constat extrêmement décevant.
En souhaitant de tout coeur que les mentalités évoluent à l'avenir...
***
Récit de Séminaire
Le 27 octobre dernier avait lieu la première session d’un
séminaire organisé conjointement par la Section Femmes & Sages-Femmes
d’OMIECH, et ses collaboratrices actuelles.
De Janvier à Juillet 2015, un séminaire sur le thème des parteras dans le Chiapas a eu lieu une
fois par mois dans les locaux du Centre d’Investigations Multidisciplinaires
sur le Chiapas et la frontière Sud (CIMSUR) de San Cristobal de Las Casas,
rattaché à l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM).
Organisé par OMIECH, le CIMSUR et avec la participation de
Alice (Mâ), Mounia, et d’autres jeunes chercheuses en Anthropologie, le
séminaire s’est avéré un espace riche en échanges.
Lorsque Mounia a quitté le Chiapas en Juillet, une des
participantes du séminaire, Alba Ramirez (UNACH, Chiapas), a pris le relai comme
bénévole auprès de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.
A la fin des six mois de séminaires, nous avons ressenti le
besoin de nous réunir à nouveau dans un autre contexte, et avec un objectif
précis, celui de valoriser les pratiques des parteras Autochtones traditionnelles. Une autre collègue, Irazu
Gomez (UNAM, Chiapas), a suggéré qu’un nouveau cycle de séminaire soit
organisé, cette fois-ci de façon itinérante (le lieu changera à chaque fois),
afin de toucher plus de public, et en présence des sages-femmes directement
concernées par ces thématiques, afin de permettre un échange direct entre les
participants au séminaire et ces dernières.
Ce genre d’événement n’avait, il semblerait, jamais eu lieu
auparavant au CIMSUR, c’est pourquoi la première session de ce nouveau
séminaire s’est déroulé là-bas.Une vingtaine de participant.e.s ont répondu à
notre invitation, parmi lesquel.les sages-femmes, médecins, professeurs, chercheu.se.r.s
et étudiant.e.s, et sept parteras
membres d’OMIECH. La plupart sont de la région de Chenalho (Tzabalho,
Yabteclum, Las Limas…) et de Huixtan (Carmen Yaal Ch’uch). Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la
Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH a encore une fois fait preuve de ses
talents de modératrice et d’interprète.
Le film « Aprendi Sola » (J’ai appris toute seule)
d’Agripino Ico Bautista a été projeté, afin d’offrir un aperçu de l’ampleur du
labeur des parteras dans les
communautés Mayas des hauts-plateaux du Chiapas.
Nous avions établi une liste de questions à poser afin
d’aider à lancer le débat, principalement sur les raisons du choix de ces parteras de ne pas accepter les
formations biomédicales du gouvernement ou autres organisations, ainsi que sur
les raisons de la création de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.
Les parteras ont,
comme toujours, fait preuve d’un rare sens de l’humour en répondant aux
questions. Pour vous donner quelques exemples :
« Moi je n’ai pas envie
d’apprendre à suspendre un bébé par les pieds comme un poulet lorsqu’il né.
C’est ce que font les médecins, et ça ne sert à rien. D’ailleurs après on vient
nous voir pour soigner le bébé qui pleure tout le temps, et moi quand je pulse
son poignet pour écouter son sang parler, il me dit qu’il a été effrayé parce
qu’à sa naissance on l’a suspendu par les pieds ! »
« Je ne suis pas née dans la
Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH ! Oui certes, cette organisation
nous soutien, et donc j’en fait partie, mais nous les parteras on est là depuis toujours ! Ma mère était partera avant moi, et mon père était
guérisseur, et moi je suis partera
depuis que je suis enfant ! Je n’ai fait partie de cette organisation que
plus tard, à l’âge adulte, mais moi j’étais déjà partera depuis longtemps ! »
Partera de Chenalho
« A quoi bon faire appel à
un médecin pour accoucher ? Personnellement, je n’en ai jamais eu besoin,
j’ai été ma propre partera les 11
fois que j’ai donné naissance à mes enfants. Pourquoi aurai-je besoin d’un
médecin pour apprendre ce que je sais déjà faire ? »
Partera de Las Limas
Lorsque la question leur est alors posé : « Alors
dans ce cas, comment expliquez-vous un taux si élevé de mortalité
materno-infantile dans l ‘état du Chiapas ? ».
Elles répondent :
« Personnellement, je n’ai
jamais vu une femme mourir en couche. J’ai plus de 60 ans et j’accompagne les
naissances depuis mes 16 ans. J’ai entendu parler que dans des communautés dans
le voisinage de la mienne, il y a eu des morts, mais ça ne m’est jamais
arrivé. Ça arrive parfois quand les femmes accouchent seules, ou quand
elles accouchent à l’hôpital.»
Partera de Yabteclum
La question suivante, en toute logique était :
« Mais alors à quels cas d’urgences êtes-vous confrontées ? Et
comment parvenez-vous à les résoudre ? »
« Il arrive qu’il y ai des
hémorragies, mais nous savons les arrêter avec des plantes. Parfois, le bébé se
présente mal, mais c’est pour ça que nous suivons la patiente depuis le début
de sa grossesse, afin de lui masser l’abdomen régulièrement, cela maintient le
bébé dans la meilleure position pour naître, et cela soulage la maman de
douleurs éventuelles. Pour nous tout ça, ce sont des dangers que l’on parvient
à gérer, mais à condition d’accompagner la maman au cours de sa grossesse. Car
le plus gros facteur de risque pour nous, c’est qu’elle ne se sente pas bien.
Nous avons besoin de nous assurer qu’elle n’est pas en colère, triste,
déprimée, qu’elle ne subi pas d’humiliations, de dépréciation, de violences
morales ou physique… Cela peut provoquer un abandon de soi-même, et au moment
de la naissance, la femme peut être tentée de « se laisser partir ».
Mais si elle aime la vie et que ses conditions de vie sont bonnes, ni elle, ni
le bébé n’ont de raisons de souffrir, et l’accouchement ne se complique pas.
Mais aussi, nous nous assurons
qu’elles sont protégées en allant faire des cérémonies de protection au cours
de sa grossesse et après la naissance. Après on se sent bien, et la famille
aussi. »
Partera de Chenalho
« Nous prenons soin d’elles.
Elles se sentent soutenues, et elles ont confiance en nous. Si elles souffrent
d’un problème au cours de la grossesse, de la naissance ou du post-partum, nous
prenons les mesures pour le résoudre.
Nous utilisons des remèdes à base
de plantes ou d’animaux, de l’argile, des massages, des cérémonies, et nous
faisons ensemble un bain de temazcal.
Nous faisons de la prévention de
complications et nous évitons ainsi les urgences et les risques de mort. »
Partera de Carmen Yaal Ch’uch
Un professeur demande alors si elles ressentent la nécessité
d’apprendre des outils, des pratiques médicales Occidentales afin de compléter
leurs connaissances.
« Notre connaissance, nous
l’avons héritée de nos ancêtres, cela fait des dizaines de générations de parteras dont l’expérience nous est
transmise. Depuis combien de temps existe votre médecine au juste ? »
Partera de Tzabalho
« Nous on se préoccupe vraiment
de la santé des femmes. A quoi cela va servir à notre communauté d’apprendre à
les peser et à les mesurer une fois par mois, sans chercher à savoir comment
elles se sentent ? Je préfère être proche d’elle et que l’on est confiance
l’une en l’autre. Je préfère m’assurer que son bébé va bien, que tout se passe
bien dans son quotidien. Dans le cas contraire, j’œuvre pour que ce qui ne va
pas soit résolu. C’est ça mon travail. »
Partera de Carmen Yaal Ch’uch
Christiane Ulrich, une sage-femme Allemande installée dans
une communauté de Huixtan depuis 3 mois, témoigne que les conditions de prise
en charge des patientes dans les hôpitaux et cliniques de la région sont
inquiétantes. D’après elle, la négligence avec laquelle sont traitées les
personnes Autochtones sur place pourraient causer plus de complications qu’en
résoudre.
Au final, une jeune sage-femme Autochtone formée par l’une
des seules écoles de sages-femmes dans le centre du pays explique sa décision
d’avoir accepté une formation biomédicale. Tout comme les parteras traditionnelles d’expériences, elle a commencé à
accompagner des naissances très jeune. Elle a pris en charge les premières naissances
seule à l ‘âge de 17 ans. Mais un jour, sont survenues des complications
qu’elle n’a pas su résoudre. Elle a alors pris la décision de partir étudier à
l’école de sages-femmes CASA, à San Miguel Allende. Elle travaille maintenant dans
la maternité de San Juan Chamula.
Selon elle, lorsque l’on quitte la communauté, à l’extérieur
les parteras ne jouissent plus du
même respect et statut social. En quittant sa communauté, elle s’est aussi
exposée à la dévalorisation de cette pratique, et a manqué de reconnaissance.
Ce récit touchant prouve bien qu’il est urgent de
décriminaliser les parteras. Sinon
bien au contraire de valoriser leur pratique et leur dévouement exemplaire au
sein de leur communauté !
Récit à suivre avec la prochaine session de ce séminaire...
***
Une belle soirée pour
Mâ et OMIECH !
Le 27 octobre dernier avait lieu la première session d’un
séminaire organisé conjointement par la Section Femmes & Sages-Femmes
d’OMIECH, et ses collaboratrices actuelles.
De Janvier à Juillet 2015, un séminaire sur le thème des parteras dans le Chiapas a eu lieu une
fois par mois dans les locaux du Centre d’Investigations Multidisciplinaires
sur le Chiapas et la frontière Sud (CIMSUR) de San Cristobal de Las Casas,
rattaché à l’Université Nationale Autonome du Mexique (UNAM).
Organisé par OMIECH, le CIMSUR et avec la participation de
Alice (Mâ), Mounia, et d’autres jeunes chercheuses en Anthropologie, le
séminaire s’est avéré un espace riche en échanges.
Lorsque Mounia a quitté le Chiapas en Juillet, une des
participantes du séminaire, Alba Ramirez (UNACH, Chiapas), a pris le relai comme
bénévole auprès de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.
A la fin des six mois de séminaires, nous avons ressenti le
besoin de nous réunir à nouveau dans un autre contexte, et avec un objectif
précis, celui de valoriser les pratiques des parteras Autochtones traditionnelles. Une autre collègue, Irazu
Gomez (UNAM, Chiapas), a suggéré qu’un nouveau cycle de séminaire soit
organisé, cette fois-ci de façon itinérante (le lieu changera à chaque fois),
afin de toucher plus de public, et en présence des sages-femmes directement
concernées par ces thématiques, afin de permettre un échange direct entre les
participants au séminaire et ces dernières.
Ce genre d’événement n’avait, il semblerait, jamais eu lieu
auparavant au CIMSUR, c’est pourquoi la première session de ce nouveau
séminaire s’est déroulé là-bas.Une vingtaine de participant.e.s ont répondu à
notre invitation, parmi lesquel.les sages-femmes, médecins, professeurs, chercheu.se.r.s
et étudiant.e.s, et sept parteras
membres d’OMIECH. La plupart sont de la région de Chenalho (Tzabalho,
Yabteclum, Las Limas…) et de Huixtan (Carmen Yaal Ch’uch). Micaela Ico Bautista, la coordinatrice de la
Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH a encore une fois fait preuve de ses
talents de modératrice et d’interprète.
Le film « Aprendi Sola » (J’ai appris toute seule)
d’Agripino Ico Bautista a été projeté, afin d’offrir un aperçu de l’ampleur du
labeur des parteras dans les
communautés Mayas des hauts-plateaux du Chiapas.
Nous avions établi une liste de questions à poser afin
d’aider à lancer le débat, principalement sur les raisons du choix de ces parteras de ne pas accepter les
formations biomédicales du gouvernement ou autres organisations, ainsi que sur
les raisons de la création de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH.
Les parteras ont,
comme toujours, fait preuve d’un rare sens de l’humour en répondant aux
questions. Pour vous donner quelques exemples :
« Moi je n’ai pas envie
d’apprendre à suspendre un bébé par les pieds comme un poulet lorsqu’il né.
C’est ce que font les médecins, et ça ne sert à rien. D’ailleurs après on vient
nous voir pour soigner le bébé qui pleure tout le temps, et moi quand je pulse
son poignet pour écouter son sang parler, il me dit qu’il a été effrayé parce
qu’à sa naissance on l’a suspendu par les pieds ! »
« Je ne suis pas née dans la
Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH ! Oui certes, cette organisation
nous soutien, et donc j’en fait partie, mais nous les parteras on est là depuis toujours ! Ma mère était partera avant moi, et mon père était
guérisseur, et moi je suis partera
depuis que je suis enfant ! Je n’ai fait partie de cette organisation que
plus tard, à l’âge adulte, mais moi j’étais déjà partera depuis longtemps ! »
Partera de Chenalho
« A quoi bon faire appel à
un médecin pour accoucher ? Personnellement, je n’en ai jamais eu besoin,
j’ai été ma propre partera les 11
fois que j’ai donné naissance à mes enfants. Pourquoi aurai-je besoin d’un
médecin pour apprendre ce que je sais déjà faire ? »
Partera de Las Limas
Lorsque la question leur est alors posé : « Alors
dans ce cas, comment expliquez-vous un taux si élevé de mortalité
materno-infantile dans l ‘état du Chiapas ? ».
Elles répondent :
« Personnellement, je n’ai
jamais vu une femme mourir en couche. J’ai plus de 60 ans et j’accompagne les
naissances depuis mes 16 ans. J’ai entendu parler que dans des communautés dans
le voisinage de la mienne, il y a eu des morts, mais ça ne m’est jamais
arrivé. Ça arrive parfois quand les femmes accouchent seules, ou quand
elles accouchent à l’hôpital.»
Partera de Yabteclum
La question suivante, en toute logique était :
« Mais alors à quels cas d’urgences êtes-vous confrontées ? Et
comment parvenez-vous à les résoudre ? »
« Il arrive qu’il y ai des
hémorragies, mais nous savons les arrêter avec des plantes. Parfois, le bébé se
présente mal, mais c’est pour ça que nous suivons la patiente depuis le début
de sa grossesse, afin de lui masser l’abdomen régulièrement, cela maintient le
bébé dans la meilleure position pour naître, et cela soulage la maman de
douleurs éventuelles. Pour nous tout ça, ce sont des dangers que l’on parvient
à gérer, mais à condition d’accompagner la maman au cours de sa grossesse. Car
le plus gros facteur de risque pour nous, c’est qu’elle ne se sente pas bien.
Nous avons besoin de nous assurer qu’elle n’est pas en colère, triste,
déprimée, qu’elle ne subi pas d’humiliations, de dépréciation, de violences
morales ou physique… Cela peut provoquer un abandon de soi-même, et au moment
de la naissance, la femme peut être tentée de « se laisser partir ».
Mais si elle aime la vie et que ses conditions de vie sont bonnes, ni elle, ni
le bébé n’ont de raisons de souffrir, et l’accouchement ne se complique pas.
Mais aussi, nous nous assurons
qu’elles sont protégées en allant faire des cérémonies de protection au cours
de sa grossesse et après la naissance. Après on se sent bien, et la famille
aussi. »
Partera de Chenalho
« Nous prenons soin d’elles.
Elles se sentent soutenues, et elles ont confiance en nous. Si elles souffrent
d’un problème au cours de la grossesse, de la naissance ou du post-partum, nous
prenons les mesures pour le résoudre.
Nous utilisons des remèdes à base
de plantes ou d’animaux, de l’argile, des massages, des cérémonies, et nous
faisons ensemble un bain de temazcal.
Nous faisons de la prévention de
complications et nous évitons ainsi les urgences et les risques de mort. »
Partera de Carmen Yaal Ch’uch
Un professeur demande alors si elles ressentent la nécessité
d’apprendre des outils, des pratiques médicales Occidentales afin de compléter
leurs connaissances.
« Notre connaissance, nous
l’avons héritée de nos ancêtres, cela fait des dizaines de générations de parteras dont l’expérience nous est
transmise. Depuis combien de temps existe votre médecine au juste ? »
Partera de Tzabalho
« Nous on se préoccupe vraiment
de la santé des femmes. A quoi cela va servir à notre communauté d’apprendre à
les peser et à les mesurer une fois par mois, sans chercher à savoir comment
elles se sentent ? Je préfère être proche d’elle et que l’on est confiance
l’une en l’autre. Je préfère m’assurer que son bébé va bien, que tout se passe
bien dans son quotidien. Dans le cas contraire, j’œuvre pour que ce qui ne va
pas soit résolu. C’est ça mon travail. »
Partera de Carmen Yaal Ch’uch
Christiane Ulrich, une sage-femme Allemande installée dans
une communauté de Huixtan depuis 3 mois, témoigne que les conditions de prise
en charge des patientes dans les hôpitaux et cliniques de la région sont
inquiétantes. D’après elle, la négligence avec laquelle sont traitées les
personnes Autochtones sur place pourraient causer plus de complications qu’en
résoudre.
Au final, une jeune sage-femme Autochtone formée par l’une
des seules écoles de sages-femmes dans le centre du pays explique sa décision
d’avoir accepté une formation biomédicale. Tout comme les parteras traditionnelles d’expériences, elle a commencé à
accompagner des naissances très jeune. Elle a pris en charge les premières naissances
seule à l ‘âge de 17 ans. Mais un jour, sont survenues des complications
qu’elle n’a pas su résoudre. Elle a alors pris la décision de partir étudier à
l’école de sages-femmes CASA, à San Miguel Allende. Elle travaille maintenant dans
la maternité de San Juan Chamula.
Selon elle, lorsque l’on quitte la communauté, à l’extérieur
les parteras ne jouissent plus du
même respect et statut social. En quittant sa communauté, elle s’est aussi
exposée à la dévalorisation de cette pratique, et a manqué de reconnaissance.
Ce récit touchant prouve bien qu’il est urgent de
décriminaliser les parteras. Sinon
bien au contraire de valoriser leur pratique et leur dévouement exemplaire au
sein de leur communauté !
Récit à suivre avec la prochaine session de ce séminaire...
***
Récit à suivre avec la prochaine session de ce séminaire...
***
Une belle soirée pour Mâ et OMIECH !
Texte : Aurélie Bes de Berc
Crédit photo : Aurélie et Stéphanie Bes de Berc
Samedi 20 juin, Mâ organisait une soirée de soutien aux
femmes et sages-femmes d’OMIECH au bar le Panama, où nous avons été très bien
accueillis par Christophe et Christiane, dans une ambiance chaleureuse et décontractée.
La
soirée a commencée par la projection dans le bar du documentaire
« Apprendi Sola », réalisé par Agripino Ico Baptista en 2011 lors
d’ateliers organisés par OMIECH. Une quinzaine de personnes attendaient dans le
magnifique jardin du Panama, sirotant l’apéro au soleil, tandis que Christophe,
ayant au préalable installé la salle pour la projection, se battait avec les
câbles pour trouver la bonne connexion entre mon ordi, son vidéoprojecteur et
sa sono.
En attendant, nous avons disposé sur les tables avec Laure,
Gwenola et Anne l’artisanat du Chiapas à vendre, ainsi que les cakes et les
tartes fait maison à déguster à prix libre!
Une
fois prêt, nous sommes allés chercher tout le monde au jardin et avons pu
débuter la projection d’ « Apprendi
sola » a 18h30 avec une salle bien remplie, environ une quinzaine de
personnes dont Laure, Gwenola, Anne, et même un médecin de Pontchaillou
(également musicien) qui s’est retrouvé là par hasard car il s’était trompé de
date !
A la
fin de la projection, nous avons échangés sur les besoins d’OMIECH, la
difficulté de transmission des savoirs, la distance et l’accès difficile entre
les communautés, et aussi sur l’utilisation des plantes. Sur ce point, nous
avons également évoqué l’association d’ethnobotanique locale « La
Liètt » qui collecte actuellement les savoirs des anciens sur les plantes
en pays gallo.
Après cet échange,
place à la musique ! Une super soirée de concert a ainsi débuté…le
soleil était au rendez-vous et on a pu jouer dehors ! :)
Grâce a
l’investissement de tous et au soleil, Mâ a pu clôturer cette soirée dans la
joie et la bonne humeur et remercie tout un chacun du fond du cœur pour sa
présence et sa participation !
Aurélie
***
4 semaines auprès
d’Angelina
Samedi 20 juin, Mâ organisait une soirée de soutien aux femmes et sages-femmes d’OMIECH au bar le Panama, où nous avons été très bien accueillis par Christophe et Christiane, dans une ambiance chaleureuse et décontractée.
La
soirée a commencée par la projection dans le bar du documentaire
« Apprendi Sola », réalisé par Agripino Ico Baptista en 2011 lors
d’ateliers organisés par OMIECH. Une quinzaine de personnes attendaient dans le
magnifique jardin du Panama, sirotant l’apéro au soleil, tandis que Christophe,
ayant au préalable installé la salle pour la projection, se battait avec les
câbles pour trouver la bonne connexion entre mon ordi, son vidéoprojecteur et
sa sono.
En attendant, nous avons disposé sur les tables avec Laure,
Gwenola et Anne l’artisanat du Chiapas à vendre, ainsi que les cakes et les
tartes fait maison à déguster à prix libre!
Une
fois prêt, nous sommes allés chercher tout le monde au jardin et avons pu
débuter la projection d’ « Apprendi
sola » a 18h30 avec une salle bien remplie, environ une quinzaine de
personnes dont Laure, Gwenola, Anne, et même un médecin de Pontchaillou
(également musicien) qui s’est retrouvé là par hasard car il s’était trompé de
date !
A la
fin de la projection, nous avons échangés sur les besoins d’OMIECH, la
difficulté de transmission des savoirs, la distance et l’accès difficile entre
les communautés, et aussi sur l’utilisation des plantes. Sur ce point, nous
avons également évoqué l’association d’ethnobotanique locale « La
Liètt » qui collecte actuellement les savoirs des anciens sur les plantes
en pays gallo.
Après cet échange,
place à la musique ! Une super soirée de concert a ainsi débuté…le
soleil était au rendez-vous et on a pu jouer dehors ! :)
Grâce a
l’investissement de tous et au soleil, Mâ a pu clôturer cette soirée dans la
joie et la bonne humeur et remercie tout un chacun du fond du cœur pour sa
présence et sa participation !
Aurélie
***
4 semaines auprès
d’Angelina
Texte : Florence Wouters, sage-femme
Crédit photo : Florence Wouters
Angelina a maintenant déménagé à Tepoztlan, petit village
entouré de fabuleuses montagnes, à 1h30 de Mexico city.
Actuellement, elle n’a
plus de maison de naissance, mais elle est en train d’en construire une dans le
fond de son jardin. Dès lors, elle se déplace chez les gens, dans le village et
ses alentours, parfois jusque Mexico city. Elle travaille seule (mais est
souvent accompagnée d’une stagiaire) et assiste +- 8 naissances par mois.
Angelina est une femme
impressionnante, d’un dévouement sans limites. Son boulot passe avant tout. Elle
ne regarde jamais l’heure, prend le temps nécessaire pour écouter, soulager,
consoler toutes ces femmes au ventre rond. Sa famille doit s’adapter aux
horaires toujours imprévisibles que lui imposent sa profession, pas toujours
évident… mais son mari et ses 5 fils la soutiennent et l’admirent pour tout ce
qu’elle fait.
Il est 2h du matin,
une petite voix me réveille “Flor, on va avoir une naissance”. La dame ne
voulant pas accoucher chez elle, elle est en route pour venir accoucher chez
Angelina. Du coup, celle-ci réveille son fils pour qu’on ait une chambre
disponible pour la naissance. La dame
arrive, accompagnée de son mari, sa maman et sa première fille. Je l’installe
sur le lit, Angelina part chercher quelque chose dans la cuisine et pendant ce
temps, je vois que le bébé s’impatiente, la dame pousse 2 fois et hop, voilà la petite Valeria entre mes
mains!
Quelle entrée en
matière, je suis arrivée chez elle cette après-midi!
Je la pose tout de
suite en peau à peau sur sa maman, soulagée que ce soit fini. 30 minutes plus
tard, après la délivrance du placenta, Angelina pose alors ses habituelles
questions.
“Tu veux que je te prépare un milkshake ou un tacos de
placenta? Tu veux que je le déshydrate pour t’en faire des capsules? C’est
plein de fer et te donnera des forces pour éviter la dépression post-partum.”
La plupart des gens acceptent le milkshake (qui est
généralement fait à base de mangue ou de banane mélangées avec un petit bout de
placenta), ainsi que les capsules.
Ceux qui ne veulent pas les capsules, le plante alors dans
leur jardin. Organe sacré qui a permis de nourrir l’enfant durant ces 9
premiers mois de vie, nul ne pense à le jeter bien évidemment.
Les consultations
prénatales auxquelles j’ai pu assister consistent essentiellement à écouter les
peurs, répondre aux questions et plaintes des mamans. Angelina vérifie ensuite
les habitudes alimentaires et donne des conseils nutritionnels. Elle est très exigeante
sur ce point et peut refuser d’assister une naissance à la maison si la maman
ne prend pas soin d’elle à ce niveau. C’est la base pour une grossesse
physiologique et un accouchement sans complications.
Il faut savoir que le
Mexique fait partie des pays avec le plus haut taux d’obésité et de diabète au
monde...
Angelina explique aussi le processus naturel de
l’accouchement afin de donner confiance aux femmes en leurs capacités de donner
naissance. Elle ne cesse de répéter “nous sommes dessinées pour donner
naissance, le corps sait, il suffit de le laisser travailler”. Elle contrôle
aussi la tension artérielle et la hauteur utérine, analyse les urines et écoute
le cœur du bébé.
Les personnes qui viennent
consulter balayent toutes les catégories sociales. De la communauté indigènes
aux étrangers vivant dans la région en passant par la classe moyenne mexicaine.
Reconnue pour ses compétences et son expérience, son téléphone ne cesse de
sonner!
L’outil de travail
principal d’Angelina est le rebozo. C’est un tissu qui est employé pour
soulager les douleurs musculaires/ligamentaires, pour mieux positionner le
bébé, pour accélérer le travail et favoriser l’engagement du bébé dans le
bassin.
Il est aussi utilisé
en postnatal pour un rituel nommé “la cerrada”. Environs 3 semaines après la
naissance, une fois que la femme ne perd plus de sang, Angelina leur propose de
clôturer cette étape de la vie, de refermer le corps physique et spirituel. C’est
une occasion donnée à la maman pour qu’on prenne soin d’elle après ces quelques
semaines épuisantes où elles n’ont cessé de donner.
Cela commence par un
bain chaud dans lequel ont macéré 7,8 plantes (romarin, eucalyptus, basilic, cannelle,
grande camomille,…). La nouvelle maman s’y immerge pendant 30 minutes durant
lesquelles Angelina chante quelques mélodies chaleureuses tout en versant de l’eau
sur les parties du corps non immergées.
Ce moment engendre
souvent des sanglots libérateurs, signes du bouleversement psychique et
physique de cette période postnatale.
Ensuite, la maman se
couche sur un lit, et on serre tour à tour chaque partie de son corps avec le
rebozo. On commence par la tête puis on descend vers les épaules, le bassin, les cuisses, les genoux,
et on termine par les chevilles.
Angelina clôture le
rituel en positionnant la mère en position fœtale et en la serrant très fort
dans ses bras. Cela provoque une telle détente que les femmes s’endorment et en
profitent pour faire une petite sieste ressourçante.
Angelina traite aussi les
femmes souffrant d’infertilité en leur proposant plusieurs séances composées de
massages, de moxibustion et de concoction de plantes.
Durant ces 4 semaines,
j’ai eu l’occasion d’assister à 7 magnifiques naissances et de vivre au sein de
la charmante famille d’Angelina. Un concentré d’apprentissages, tant culturels
que professionnels!
Merci à Angelina, Leticia,
Valeria, Efrain, Luz-Ana, Eduardo, Maya, Violeta, Sima, Santiago, Mauricio, Geytsa
et tous ceux dont le nom m’échappent déjà…pour ce partage inoubliable.
Florence
***
La mortalité maternelle
fait aussi partie de la violence
Texte : Mirena Mollinedo /ASICh
Traduit de l'espagnol par Céline Paillet
Article original : http://asich.com/index.php? itemid=6741
Crédit photo : Alice Bafoin
Angelina a maintenant déménagé à Tepoztlan, petit village
entouré de fabuleuses montagnes, à 1h30 de Mexico city.
Actuellement, elle n’a
plus de maison de naissance, mais elle est en train d’en construire une dans le
fond de son jardin. Dès lors, elle se déplace chez les gens, dans le village et
ses alentours, parfois jusque Mexico city. Elle travaille seule (mais est
souvent accompagnée d’une stagiaire) et assiste +- 8 naissances par mois.
Angelina est une femme
impressionnante, d’un dévouement sans limites. Son boulot passe avant tout. Elle
ne regarde jamais l’heure, prend le temps nécessaire pour écouter, soulager,
consoler toutes ces femmes au ventre rond. Sa famille doit s’adapter aux
horaires toujours imprévisibles que lui imposent sa profession, pas toujours
évident… mais son mari et ses 5 fils la soutiennent et l’admirent pour tout ce
qu’elle fait.
Il est 2h du matin,
une petite voix me réveille “Flor, on va avoir une naissance”. La dame ne
voulant pas accoucher chez elle, elle est en route pour venir accoucher chez
Angelina. Du coup, celle-ci réveille son fils pour qu’on ait une chambre
disponible pour la naissance. La dame
arrive, accompagnée de son mari, sa maman et sa première fille. Je l’installe
sur le lit, Angelina part chercher quelque chose dans la cuisine et pendant ce
temps, je vois que le bébé s’impatiente, la dame pousse 2 fois et hop, voilà la petite Valeria entre mes
mains!
Quelle entrée en
matière, je suis arrivée chez elle cette après-midi!
Je la pose tout de
suite en peau à peau sur sa maman, soulagée que ce soit fini. 30 minutes plus
tard, après la délivrance du placenta, Angelina pose alors ses habituelles
questions.
“Tu veux que je te prépare un milkshake ou un tacos de
placenta? Tu veux que je le déshydrate pour t’en faire des capsules? C’est
plein de fer et te donnera des forces pour éviter la dépression post-partum.”
La plupart des gens acceptent le milkshake (qui est
généralement fait à base de mangue ou de banane mélangées avec un petit bout de
placenta), ainsi que les capsules.
Ceux qui ne veulent pas les capsules, le plante alors dans
leur jardin. Organe sacré qui a permis de nourrir l’enfant durant ces 9
premiers mois de vie, nul ne pense à le jeter bien évidemment.
Les consultations
prénatales auxquelles j’ai pu assister consistent essentiellement à écouter les
peurs, répondre aux questions et plaintes des mamans. Angelina vérifie ensuite
les habitudes alimentaires et donne des conseils nutritionnels. Elle est très exigeante
sur ce point et peut refuser d’assister une naissance à la maison si la maman
ne prend pas soin d’elle à ce niveau. C’est la base pour une grossesse
physiologique et un accouchement sans complications.
Il faut savoir que le
Mexique fait partie des pays avec le plus haut taux d’obésité et de diabète au
monde...
Angelina explique aussi le processus naturel de
l’accouchement afin de donner confiance aux femmes en leurs capacités de donner
naissance. Elle ne cesse de répéter “nous sommes dessinées pour donner
naissance, le corps sait, il suffit de le laisser travailler”. Elle contrôle
aussi la tension artérielle et la hauteur utérine, analyse les urines et écoute
le cœur du bébé.
Les personnes qui viennent
consulter balayent toutes les catégories sociales. De la communauté indigènes
aux étrangers vivant dans la région en passant par la classe moyenne mexicaine.
Reconnue pour ses compétences et son expérience, son téléphone ne cesse de
sonner!
L’outil de travail
principal d’Angelina est le rebozo. C’est un tissu qui est employé pour
soulager les douleurs musculaires/ligamentaires, pour mieux positionner le
bébé, pour accélérer le travail et favoriser l’engagement du bébé dans le
bassin.
Il est aussi utilisé
en postnatal pour un rituel nommé “la cerrada”. Environs 3 semaines après la
naissance, une fois que la femme ne perd plus de sang, Angelina leur propose de
clôturer cette étape de la vie, de refermer le corps physique et spirituel. C’est
une occasion donnée à la maman pour qu’on prenne soin d’elle après ces quelques
semaines épuisantes où elles n’ont cessé de donner.
Cela commence par un
bain chaud dans lequel ont macéré 7,8 plantes (romarin, eucalyptus, basilic, cannelle,
grande camomille,…). La nouvelle maman s’y immerge pendant 30 minutes durant
lesquelles Angelina chante quelques mélodies chaleureuses tout en versant de l’eau
sur les parties du corps non immergées.
Ce moment engendre
souvent des sanglots libérateurs, signes du bouleversement psychique et
physique de cette période postnatale.
Ensuite, la maman se
couche sur un lit, et on serre tour à tour chaque partie de son corps avec le
rebozo. On commence par la tête puis on descend vers les épaules, le bassin, les cuisses, les genoux,
et on termine par les chevilles.
Angelina clôture le
rituel en positionnant la mère en position fœtale et en la serrant très fort
dans ses bras. Cela provoque une telle détente que les femmes s’endorment et en
profitent pour faire une petite sieste ressourçante.
Angelina traite aussi les
femmes souffrant d’infertilité en leur proposant plusieurs séances composées de
massages, de moxibustion et de concoction de plantes.
Durant ces 4 semaines,
j’ai eu l’occasion d’assister à 7 magnifiques naissances et de vivre au sein de
la charmante famille d’Angelina. Un concentré d’apprentissages, tant culturels
que professionnels!
Merci à Angelina, Leticia,
Valeria, Efrain, Luz-Ana, Eduardo, Maya, Violeta, Sima, Santiago, Mauricio, Geytsa
et tous ceux dont le nom m’échappent déjà…pour ce partage inoubliable.
Florence
***
La mortalité maternelle
fait aussi partie de la violence
Atelier de la Section femmes et sages-femmes d'OMIECH, Carmen Yaal Ch'uch, Chiapas
|
San
Cristóbal de Las Casas, Chiapas.- La
coordinatrice de la Section Femmes et Sages-Femmes de l’Organisation des
Médecins Indigènes de l’Etat du Chiapas (OMIECH), Micaela Icó Bautista, travaille depuis 30 ans dans le
domaine. Cette dernière déplore que dans le Chiapas les femmes enceintes qui
entrent vivantes dans les hôpitaux publics, soient rendues mortes à leurs
proches.
Dans une interview, cette femme Tsotsil
indique qu’ « il y a de la discrimination, de la violence, et aussi
du racisme reflété dans les statistiques de mortalité maternelle ».
Elle insiste sur le fait que la mortalité
maternelle, principale cause de mortalité chez les femmes du Chiapas, est liée à
la mauvaise qualité des services médicaux proposés dans les hôpitaux – servies
qui peuvent même être inexistants dans certains cas.
Micaela Icó Bautista
note que les soins dispensés dans les hôpitaux publics laissent à désirer, mais
parallèlement, elle reconnaît que la mort maternelle peut aussi être liée, dans
certains cas précis, au manque d’attention de certaines femmes, qui viennent à
leurs rendez-vous une fois leur grossesse avancée, prenant ainsi des risques.
« Souvent, on
accuse les sages-femmes d’être les responsables de la mort maternelle, parce
qu’elle n’ont pas de titre comme les docteurs. Mais elles sont tellement compétentes
qu’elles sont respectées dans leurs communautés, où leur travail est
valorisé », mentionne-t-elle.
Elle note que dans
l’entité chiapanèque « les femmes ne meurent pas juste comme ça, elles
meurent parce qu’elles endurent et endurent et finissent par se rendre chez la sage-femme
car le bébé est prêt à naître. La femme
peut mourir, le bébé aussi, et c’est pour ça que nous organisons des programmes
d’ateliers dans les communautés : pour éviter les morts maternelles ».
Elle dit que les
sages-femmes n’ont pas fait d’études, mais qu’elles peuvent faire une formation
(du gouvernement ndlt) et obtenir leur diplôme. Mais si elles n’ont rien, pas
un même un papier, alors elle ne valent rien. « Là est le problème », explique-t-elle.
« Ils ne veulent pas reconnaître
les sages-femmes parce qu’eux, les docteurs, ont du soutien, sont allés à
l’université, mais ce qu’ils ne disent pas c’est à combien de femmes ils
introduisent un dispositif intra-utérin sans leur consentement », explique-t-elle.
Le pire dans tout
ça, dit-elle, c’est que quand les futures mères se rendent chez le médecin,
elle rentre vivante à l’hôpital et on les rend mortes à leurs proches, comme cela
s’est produit avec Susana Hernández, une jeune femme Tsotsil qui est décédée en
2013, après une opération des ligatures des trompes utérines durant une
césarienne, à l’Hôpital de la Femme de San
Cristóbal de Las Casas.
Les 27 et 28
février 2014, avait lieu la première rencontre en 5 ans des sages-femmes
traditionnelles Mayas membres d’OMIECH (Organisation des Médecins Indiens de
l’Etat du Chiapas). A l’exception d’un évènement ayant été organisé en 2012
pour accueillir les sages-femmes Mayas d’Amigas, une organisation du Guatemala,
les membres du réseau de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH ne
s’étaient pas réunies depuis 2009. Elles étaient auparavant invitées à se
rejoindre pour un événement de 2 jours chaque années depuis 1985. Seulement les
sources de financements se sont asséchées, et les projets d’ateliers dans
toutes les communautés membres ainsi que les rencontres annuelles se sont
interrompues. Cette rencontre 2014 est donc porteuse d’espoir pour les
sages-femmes membres de l’organisation, en demande de reconduite de projets au
cours de ces dernières années. L’association Mâ travaille depuis 2010 en
partenariat avec la Section femmes et Sages-Femmes d’OMIECH afin de contribuer
à la relance des activités et à la coréalisation d’un plan d’autofinancement
basé sur la vente de châles porte-bébés solidaires.
Pour plus de
détails, consultez la page « Artisanat » du blog de l’Association Mâ.
Tout a commencé
lors d’une réunion de l’équipe de la Section Femmes et Sages-Femmes d’OMIECH en
juin 2013 avec les membres de l’association MA . Afin de relancer les activités
de la Section, un événement à moyen budget et rassemblant un maximum de membres
semble une solution idéale. Grâce à la campagne de crowdfunding sur le site Kisskissbankbank,
toute l’équipe travaille sur la préparation de l’événement bien occupé.e.s
entre la récolte de fonds, la préparation d’un programme de la rencontre… De
Paris à San Cristobal en passant par Nantes et New York, le projet est enfin lancé
en ligne le 13 octobre 2013 pour une
durée de deux mois.
L’information
est relayée par mails, sur les réseaux sociaux et lors d’interventions au cours
d’évènements tels que Les Rencontres Autour de la Périnatalité ou le
Forum des Transitions de Guichen.
Grâce aux
ami.e.s de l’association Mâ et à des inconnu.e.s touché.e.s par le projet, la
campagne est une réussite. Le 13 décembre 2014, la campagne est bouclée et nous
passons à la phase suivante. Le moment est venu d’annoncer la bonne nouvelle à
Micaela…
En Janvier ;
Mounia se rend disponible dans le Chiapas auprès de Micaela afin de l’aider à
organiser la rencontre. Elles établissent ensemble la liste du matériel
nécessaire, rédigent un programme, établissent des thèmes et pensent la
méthodologie choisie. Mounia profite de ce temps pour soumettre une demande de
financement à Awesome Foundation, qui approuve la requête de financement et
envoie 1000 dollars de complément pour l’édition des livrets récapitulant
l’historique de la rencontre, ainsi que la réalisation d’une vidéo de
l’événement. A un jour d’intervalle, Mounia rentre aux Etats-Unis pendant
qu’Alice arrive de France. La rencontre continue de s’organiser, Alice et
Micaela font les achats principaux et prévoient les derniers détails en
compagnie des autres membres de la Section Femmes et Sages-Femmes.
Enfin, le 27
février au matin, les sages-femmes commencent à arriver de leurs communautés…
Plus de trente invitées ont répondu présentes. Sept jeunes femmes d’origines
Tzotziles et Tzeltales étudiantes en médecine interculturelle à l’université de
la UNICH (Université Interculturelle du Chiapas) se joignent à nous en tant que
volontaires pour animer les tables rondes et transcrire les informations
échangées entre sages-femmes. Don Victorio, l’ »Ilol » (le
« guérisseur » en langue Tzotzil) qui offre ses services dans l’une
des salles du Musée, ouvre la rencontre avec une cérémonie traditionnelle.
Puis,
la Mesa Directiva (le bureau) d’OMIECH se présente et souhaite la bienvenue aux
invité(e)s. Chaque personne se présente une à une. Micaela introduit la
rencontre en abordant les thématiques choisies cette année. Au programme, sont
proposés les thèmes de l’attention de la grossesse ; les solutions connues
pour résoudre les complications pendant la grossesse, l’accouchement et le
post-partum ; et les relations entre les sages-femmes traditionnelles
autochtones et les médecins (sous-entendu également, les institutions
gouvernementales et non-gouvernementales chargées de « former » les
sages-femmes à des notions d’infirmerie).
Les sages-femmes
sont ensuite invitées à participer à des tables rondes. Une par groupe
ethnique, soit un groupe Tzeltal et un groupe Tzotzil. Les étudiantes
volontaires animent ces échanges en posant des questions ou en suggérant des
thèmes. Puis elles notent le fil des discussions sur leurs cahiers. L’heure du
café arrive, les sages-femmes se retrouvent pour boire, manger leur « pan
de semita » et échanger ensemble. Les étudiantes, elles, notent les points
importants de cet échange sur une grande feuille de papier.
De retour en
plénière, les étudiantes présentent les
thèmes abordés à toute l’assemblée. Puis la conversation continue dans la
lancée des mêmes sujets.
Micaela anime
les ateliers en relançant d’autres thèmes à la suite des premiers exposés.
C’est avec émotion que l’assemblée écoute respectueusement de longs et beaux
témoignages de femmes et d’hommes à qui l’on donne la parole pour la première
fois depuis longtemps.
La majorité des
participant.e.s sont des Mayas originaires des hauts-plateaux du Chiapas, originaires
de campagnes et montagnes peu accessibles, où les routes sont sinueuses et
souvent même absentes. Grâce à cette protection naturelle, les
« conquistadores » ont colonisé la région tardivement, et la
population autochtone la plus isolée géographiquement préserve ardemment ses
savoirs et sa culture millénaire. Les femmes accouchent à domicile et les
sages-femmes traditionnelles (parteras) existent depuis toujours.
« Afin que la naissance ne tarde
pas, nous préférons la position à genoux soutenues par nos maris. Nos bébés
doivent déjà être en bonne position dans le ventre afin d’éviter les
complications. Cette position est celle dans laquelle le bébé doit naître. En
comparaison, à l’hôpital où on les oblige à accoucher allongées, c’est plus
difficile et il y a plus de complications. Ça n’aide pas à trouver la force
nécessaire pour donner naissance, car là-bas, personne ne soutient les
femmes. »
Sage-femme
Tzotzil de Las Limas
Les sage-femmes
traditionnelles dédient la majeure partie du temps à la future maman pendant la
grossesse afin de préparer une naissance facile.
« Je prescris des plantes (à la
maman) et surtout je m’assure qu’il n’y ai aucune anomalie et que le bébé est
bien placé. Lorsque le bébé est positionné « de travers » dans le
ventre, je détecte au toucher quelle partie de son corps à besoin d’être replacée,
puis je le masse pour que l’enfant se remette à la bonne place. »
Sage-femme Tzeltal du village de Tenejapa
Quelques
sages-femmes autochtones présentes sont dorénavant devenues citadines. Leur
pratique a muté avec l’influence forte de la culture occidentale en zone urbaine.
« Lorsque je me retrouve face à une
complication au cours d’une naissance, comme par exemple quand l’enfant se
présente en siège, j’introduit un peu mes doigts dans le vagin de la femme pour
l’aider à accoucher. De cette manière, l’enfant peut sortir rapidement et sans
complications. »
Sage-femme Tojolabal de la ville de San Cristobal
Entre sages-femmes, selon si
elles perpétuent une pratique traditionnelle, ou s’engagent dans une voie plus
moderne, il y a parfois des différends.
« Pour qu’une naissance soit facile,
l’important est de bien accompagner les différentes étapes de la grossesse.
Ainsi, on évite les complications à l’accouchement. Il n’est pas nécessaire
d’introduire les doigts dans les parties
génitales de la femme. Ça n’est pas une poule à qui on vient chercher son
œuf ! »
Sage-femme Tzotzil de Chenalho
« J’étais une sage-femme
traditionnelle, mon savoir était empirique. Puis j’ai reçu une formation de la
part du Ministère de la Santé. Aujourd’hui je dis qu’avoir un certificat qui
atteste que l’on est sage-femme n’est pas une bonne chose, car cela devient un
travail pour le gouvernement et cela signifie avoir un « chef ». Ce
dernier va nous former, va minimiser nos connaissances déjà présentes comme
quelque chose d’inutile… Être une sage-femme liée au gouvernement est vraiment compliqué.
La sage-femme formée se met à chercher son propre bénéfice et oublie le
bien-être de l’enfant et de la mère. En comparaison, la sage-femme
traditionnelle considère la femme comme un pilier important de la famille et la
soigne de manière à ce qu’elle soit en meilleure santé possible. La sage-femme
traditionnelle comprend la femme qu’elle accompagne et quels sont les besoins
de sa communauté car elle en fait partie elle-même et ressent ce qu’elle
ressent. »
Sage-femme Tzeltal du village de Cancuc
« Nos connaissances ne sont pas
respectées, leur valeur n’est pas reconnue. Par contre, la médecine
allopathique et tout les équipements technologiques utilisés en obstétriques
sont acceptés et considérés comme le plus efficace. Alors nous, les
sages-femmes traditionnelles nous sommes discriminées et subissons des
violences. Les médecins qui dispensent les cours aux sages-femmes qui acceptent
de s’allier au gouvernement disent que notre pratique n’est pas recommandable
et même dangereuse, ils déprécient le savoir des sages-femmes traditionnelles
en affirmant que nous ne savons rien faire en lien avec la technologie, comme
si c’était l’unique bonne voie existante pour tous. C’est en écoutant tout ça
que nous nous sommes rendues compte qu’ils ne nous respectent pas. »
Sage-femme Tzotzil du village de Carmen YaalChuch
« Nous devons continuer de mettre en
pratique les connaissances de nos ancêtres. En ces temps-là, notre peuple
jouissait d’une meilleure qualité de vie qu’aujourd’hui. Avant, nous n’utilisions que les ressources
naturelles, il n’y avait pas de chimiques. Je constate qu’à présent, on trouve
des produits chimiques partout dans la nourriture et les médicaments. » *
Herboriste Tzotzil du village de Yabteclum
Mais les sages-femmes traditionnelles voient d’autres
obstacles au libre exercice de leur pratique :
« La
religion a aussi un impact négatif sur notre travail car elle provoque la perte
de coutumes et traditions autochtones. Aujourd’hui, avec toutes les nouvelles
religions, il est difficile de préserver notre culture. »**
Sage-femme Tzotzil du village de Chenalho
Beaucoup
d’autres sujets sont abordés dans les conversations de groupes et les
plénières. Les étudiantes volontaires Tzoltzils et Tzeltals en médecine
interculturelle partagent parfois leur point de vue et leurs découvertes. L’une
d’elles affirme n’avoir jamais su auparavant que l’on accouchait en position
verticale dans les communautés autochtones.
Avant la
clôture, des capes imperméables achetées au marché sont distribuées à chaque
sage-femme traditionnelle présente. Des lampes à dynamo achetées au préalable en
France et ramenées dans nos valises sont également offertes. Nous avons pris ce
parti pour des raisons pratiques, écologiques et économiques.
Elles seront
ainsi protégées de la pluie au cours de leurs grandes marches en montagnes pour
rejoindre les maisons de leurs patientes. Et dans le cas d’une naissance en
plein milieu de la nuit, les lampes de poches les aideront à éclairer leur
chemin dans la montagne.
La source de
financement de cette rencontre est exposée aux participant.e.s, qui manifestent
leur reconnaissance à tous les co-financeurs de ce projet. Et se disent être
touchés de bénéficier d’un soutien moral et financier provenant de l’étranger,
car dans leur propre pays, leur reconnaissance n’est pas acquise. Elles
remercient cet acte de solidarité et encouragent les autres sages-femmes
persécutées partout dans le monde à résister.
En conclusion,
une sage-femme Tzotzil de San Andres Larrainzar déclare :
« Pour les sages-femmes anciennes ici présentes, ces
rencontres nous placent en position de guides, notre intérêt est d’être
présentes pour transmettre aux jeunes générations afin de préserver la vie. Nous
souhaitons que d’autres évènements comme celui-là soient organisés dans le
futur, afin de partager nos connaissances à nos frères et sœurs Mayas. »
* Notons que le Mexique signe
le 1er janvier 1994 l’accord de l’ALÉNA (Accord de Libre-Échange
Nord-Américain) avec le Canada et les Etats-Unis afin d’éliminer les barrières
douanières et faciliter les échanges transfrontaliers de marchandises et
services (sans
accorder les mêmes droits aux populations). Le marché alimentaire et
pharmaceutique américain a alors envahi le territoire du Mexique.
** « L’Église Catholique a
créé dans les années soixante un groupe étendu de pastorales ralliées à la
diocèse dans le but de reconvertir les indigènes. Protestants et catholiques
sont différents en bien des aspects, mais ils se rejoignent quant aux attaques
envers les pratiques traditionnelles à caractère chamanique. Ces dernières sont
associées aux formes religieuses des « coutumes » et sont considérées
dans les discours publics en tant que formes diaboliques associées au
« Mal ». (Pedro Pitarch, 2000.
En el Museo de la Medicina Maya,
Universidad Complutense de Madrid).
Les Rencontres Autour de la Périnatalité
Texte : Alice Bafoin
Crédit photos : Ania Slominska
Les 4-5 et 6 octobre
2014, avaient lieu les Rencontres Autour de la Périnatalité à Orléans. A la
base un festival de film de naissance, bien au-delà de cela, un véritable
congrès riche de rencontres et de d’échanges comme on les aime. L’association
Mâ est intervenue avec une conférence intitulée « La Culture Matrilinéaire
Maya », tenue par Fernando Hernandez Ojob.
La tenue du stand de
l’association Mâ et la présence de notre petite Yox Kanal ne nous a pas
empêchés de suivre une bonne partie du programme.
C’est donc
l’occasion de partager avec vous ce temps fort chaudement recommandé lors d’une
prochaine édition.
Amandine Cadars et sa nièce |
La fondatrice de l'évènement, Amandine
Cadars, vivait il y a quelques années de cela en Californie avec son mari
Sylvian. Elle s’y est formé en tant que doula et est devenue amie avec Debby
Takikawa, la réalisatrice de « What Babies want’s » et fondatrice du
« Baby ! International Film Festival ». Amandine réalise également un mémoire de maîtrise en Sciences de l'Education à la Santé, sur les maltraitances ordinaires en périnatalité et s'intéresse aux effets iatrogènes de l'approche de notre médecine occidentale et, à l'inverse à toutes les approches développées pour améliorer les données épidémiologiques. Amandine et Sylvain
rentrent en France pour donner naissance à leurs adorables jumeaux. Après avoir
expérimenté l’accueil réservé aux nouveau-nés dans son pays natal, Amandine
décide d’importer le principe du festival de films de naissance et créé Les
Rencontres Autour de la Périnatalité.
Projection et présentation, avril 2011 |
Pour commencer, il
s’agit de retrouvailles, car nous étions déjà présentes (Hélène Porcher et
Alice Bafoin) au tout début, lors de la première édition au printemps 2011. Le documentaire « Savoirs des sages-femmes Indiennes du Chiapas » d’Agripino
Ico Bautista était projeté pour la deuxième fois en France.
Projection, conférence, octobre 2011 |
Puis, à l’automne
de la même année, Amandine nous invitait
Agripino Ico Bautista, Fernando Hernandez
et moi à faire une éscale à Orléans lors de notre tournée associative, pour un soirée projection, conférence et
débat autour d’un repas.
C’est une grande
famille que l’on retrouve en octobre 2013. Il faut croire qu’on y prend goût…
L’accueil du vendredi soir est convivial, avec miam miam et papotages.
PROGRAMME DU WEEK-END:
Le même soir, est projeté le film « La naissance, une révolution » de Franck Cuvelier, un incroyable
historique de l’évolution du monde de la naissance au cours du vingtième
siècle. Je félicite le réalisateur pour son superbe travail de recherche. On
parcoure depuis l’introduction de la méthode de l’accouchement sans douleur
venue d’URSS à la maternité des Bluets à Paris, anciennement clinique des
Métallurgies, fréquentée par les femmes du monde ouvrier. Puis, clin d’œil à Max
Ploquin que l’on voit tout encore jeune en pleine création audiovisuelle d’une
naissance à la ferme avec la fameuse méthode… Jusque là, la naissance est une
affaire d’hommes. Pour l’illustrer, on nous montre même l’affiche du film
« Le cas du docteur Laurent » avec Jean Gabin. Juste pour vous
montrer le symbolisme de cette image, je vous la restitue ici.
No comment |
Mais les années 60
arrivent, les femmes et les sages-femmes reprennent en main ce qui les
concernent. C’est une Chantal Birman de cette époque qui nous apparaît sur
l’écran (celle de notre époque était dans la salle avec nous), au beau milieu
d’une naissance à domicile dans une communauté de la campagne française, en présence d’enfants et
d’amis. Enfin, l’histoire de Frédérique Leboyer nous est contée. J’apprends,
stupéfaite, que son discours si évident de nos jours a été reçu très violemment
par ses confrères en premier lieu. Il a délivré son message en souhaitant aux
français d’en faire bon usage en temps et en heure, puis, le même jour, il
quitte l’ordre des médecins pour rejoindre la société des auteurs. Enfin, il
s’exile en Angleterre… cela me rappelle étrangement l’histoire de Michel Odent.
Pourquoi reçoit-on si mal les porteurs de messages humanistes dans ce pays soi-disant
des Droits de l’Homme ?
La suite des Rencontres, les samedi et dimanche, je ne la connais pas intégralement car notre petite bénévole d’un an et demi fatiguait vite…
Stand de l'association Mâ
|
Pour vous conter ce qui m’a littéralement bouleversée, je passe directement à la présentation de Timéo et les autres, excellemment orchestrée par Anne Loirette la même après-midi. Petites et grandes assos, je vous recommande de l’inviter lors de vos évènements, vous ne le regretterez pas! Le diaporama est en ligne sur le blog des Rencontres Autour de la Périnatalité. Les dérives du déclenchement, les protocoles hospitaliers abusifs et l’usage dangereux du Cytotec au programme… Je ne vous en dis pas plus, elle l’explique mieux que moi.
Pour apaiser l'ambiance, une image de la grace de Céline Hereng Dubois de la Cie Kimé.
« What Babies
want’s » est un documentaire qui met en lumière les conséquences de
traumas liés à la naissance sur la vie de l’enfant et du futur adulte. Un
passage est très parlant. Un centre de soin a été crée aux Etats-Unis pour
guérir les patients d’une naissance traumatique. Une sage-femme travaillant
dans ce centre est recontactée par une mère six ans après la naissance de sa
fille. La petite présente des troubles du comportement. Lors d’une consultation
filmée, l’enfant est invitée à jouer avec une boîte de Playmobil
« hôpital ». Elle reproduit alors au détail près la scène de sa
propre naissance, en installant la perfusion et les chaussons de sa maman du
bon côté du lit… Puis elle fera quitter la pièce en urgence au bébé dans sa
petite « boîte ». La mère et la sage-femme racontent alors que la
scène s’est effectivement passée ainsi. L’enfant a été emmené en urgence dans
une autre pièce pendant que l’on arrêtait l’hémorragie de sa maman. Elle a
senti la peur et la panique, et a cru que sa maman allait mourir… La
reconstitution et l’écoute attentive de l’équipe de thérapeute auraient permit
à la petite fille d’être libérée de cette émotion figée dès sa venue au monde.
Une expérience
intéressante, démontrant l’ampleur de la sensibilité du nouveau-né. La forme du
film ne touche pas tous les spectateurs français en raison d’un style très
américain. Mais en passant au dessus, ce documentaire vaut le détour.
La conférence de
Fernando Hernandez Ojob sur « La culture matrilinéaire Maya »
clôture le week-end. L’histoire des femmes de son peuple est retracée sous les
regards attentifs. Les personnes présentes ont offert une magnifique capacité
d’écoute et des échanges profonds lors du débat.
Voici une partie de
l’énoncé de la conférence ci-dessous.
Et pour clore cet
article, j’aimerai remercier Amandine grâce à qui cette grande famille continue
de se réunir. Merci d’avoir ouvert l’espace à tous les enfants présents,
imprégnés de paroles et d’images qui guideront leurs chemins. Ils ont
grandement participés à cet événement et nous ont rappelé la joie. Un câlin à
toutes celles et ceux avec qui les échanges et retrouvailles ont étés si doux.
Chacun(e) d’entre vous apporte sa couleur à ce paysage de la naissance qui, un
jour, osera ôter son triste gris…
Alice
La culture matrilinéaire Maya
Malgré la
colonisation, l'imposition d'un système économique, politique, social et
religieux, le Peuple Maya Tzotzil maintient son essence issue d'une culture
matriarcal/matrilinéaire, ainsi que son respect et sa connexion avec la
Mère Terre. Pour ce peuple, ceci inclut un respect pour la vie et celle
qui nous donne la vie : la Femme. « ME » est la racine fondamentale du
tout, c'est l'énergie primordiale féminine de la création, le
principe de vie. Elle préserve les enseignements traditionnels, les
rôles qui définissent la position de la femme et de l'homme dans la
communauté. Tout est transmis par la lignée maternelle : le nom, le
clan, les relations familiales à l'intérieur et hors de la communauté. Les
positions politiques et sociales font partie de ce tissu culturel, pour la
préserver et la transmettre aux futures générations.
Fernando Hernandez Ojob
***
Les
textiles, une affaire de famille (qui marche).
Visite
guidée d’un atelier d’Oxchuc.
Texte : Mounia El Kotni
Crédit photos : Marie-Pia Rieublanc
Depuis quelques
mois, l’association Mâ réfléchit à de nouvelles collaborations afin de développer
une source de revenu durables pour notre partenaire dans le Chiapas. Comme
certaines d’entre vous le savent déjà, les rebozo
(châles) porte-bébés nous semblent une piste intéressante afin de renforcer les
liens entre les Mamans et Papas de France et les sages-femmes du Chiapas. Notre
recherche de fabricants de textiles nous a emmenées à Oxchuc, une communauté à
une quarantaine de minutes de San Cristóbal. C’est par le biais de notre
partenaire que nous avons rencontré Rodolfo et sa famille, qui produisent des tissus
depuis plusieurs générations dans leur atelier. Ces textiles aux rayures de
toutes les couleurs sont ensuite revendus aux artisans de la région, sous forme
de servilletas (serviettes de table), naguas
(jupes), ou rebozos aux multiples
usages.
Dans la boutique |
Dans la boutique sur le marché d’Oxchuc, la vente des textiles se fait au détail, mais la famille répond également à des commandes de plus gros clients– dans la capitale Mexico et dans le Michoacán. Pour répondre à notre curiosité, la responsable de la boutique accepte de nous faire visiter l’atelier. C’est son fils Rodolfo qui nous sert de guide. L’entreprise de Rodolfo et sa famille emploie 13 personnes, 10 hommes et 3 femmes qui travaillent 16heures par jour, 5 jours et demi par semaine. Le travail est divisé entre les hommes, qui travaillent chacun sur une machine, et les femmes, qui brodent certaines servilleta. Sur les 10 métiers que compte l’entreprise, 3 sont exclusivement consacrés aux rebozos, 3 à produire la toile noire pour les jupes des femmes (nagua) et les 4 autres aux servilletas. Chaque métier à tisser produit 20 rebozos par jour (80 mètres de toile). La taille des rebozos varie entre 2 et 4,50 mètres. Les couleurs sont choisies par les femmes employées ou par les clients (qui envoient leurs choix de couleurs par email).
Outils |
Mounia et Rodolfo dans l'atelier |
Lorsque l’entreprise a été créée par le grand-père de Rodolfo il y a plus de soixante-dix ans, la production reposait sur un seul métier à pédale qu’il a conservé pendant presque 20 ans. Le métier à pédale a été introduit au Mexique par les Espagnols lors de la Conquête. Ces derniers ont formé les hommes Indigènes à ce travail, afin de répondre à la demande Européenne de textiles. La plupart des textiles utilisés par les populations locales étaient produits sur le métier à ceinture, qui demande plus de temps et de travail. Les femmes indigènes ont continué à produire les vêtements de la communauté sur ce métier – et ce jusqu’à aujourd’hui. Avec le développement de l’entreprise de la famille de Rodolfo, et pour répondre à la demande notamment touristique, le métier à pédale, lourd à manipuler et produisant 10 rebozos par jour, a été remplacé par des métiers mécaniques. Pour Rodolfo, le produit fini est le même, mais cela prend moitié moins de temps. L’entreprise familiale a commencé à s’équiper au fil des ans, acquérant 3 métiers en 2008, puis 3 autres l’année dernière.
Ce qui fait la
force de leur entreprise selon lui, est le fait de travailler en famille. Par
le passé, l’entreprise a failli faire faillite, principalement à cause de
problèmes entre les associés. Rodolfo met également en avant le savoir-faire
familial, qui s’accroît au fil du temps. Les machines n’étant pas fabriquées
dans le Chiapas, il faut être capable de remplacer une pièce manquante sans
avoir à attendre une commande venant de la capitale, qui peut ralentir ou
stopper la production. L’expérience de travail et le fait de pouvoir s’appuyer
sur sa famille sont les deux éléments cruciaux pour pouvoir continuer la
production.
Petite peluche tombée de la machine à tisser |
Rodolfo considère l’entreprise familiale comme une tradition artisanale et le revendique. Il se rappelle avoir été invité à une conférence s’être vu reprocher de ne pas suivre la tradition (de tisser sur le métier à ceinture). Sa réponse fait écho aux questions qui animent les débats anthropologiques : « Pourquoi la tradition devrait-elle être fixée et ne jamais changer ? » Rodolfo met en avant l’utilisation du textile comme une tradition, et le métier industriel venant améliorer la rentabilité du produit, avec des lisières « parfaites ». L’authentique selon lui se conserve, et chaque peuple garde ses traditions : par exemple les servilletas de Zinacantan sont faites de la même toile que celles d’Oxchuc, mais les femmes de cette communauté y ajoutent des broderies de fleurs à la main , ce qui reproduit ce que l’on voit sur des tissus tissés au métier à ceinture. « Cela aussi, c’est artisanal » selon Rodolfo.
En créant des
partenariats avec des boutiques et des circuits touristiques pour faire visiter
son atelier aux voyageurs nationaux et internationaux, Rodolfo souhaite non
seulement faire connaître son entreprise mais également perpétuer une autre
forme de tradition. Tout comme à Oaxaca, où les textiles Zapotèques tissés sur
le même métier à pédale sont devenus emblématiques de la région[1],
les rebozos rayés d’Oxchuc sont
facilement identifiables et identifiés par les habitants et touristes de la
région.
Au peigne... |
Pour clore notre visite, l’association Mâ a acheté à Rodolfo une douzaine de rebozos afin de les tester auprès d’associations de portage en France. Les surplus de la vente seront reversés à notre partenaire OMIECH, afin d’alimenter un fond pour les sages-femmes. En parallèle de ces châles faits à la machine, nous avons également cherché des pistes avec des femmes tissant sur le métier à ceinture. Si vous avez eu l’occasion de voir ces textiles et de les essayer, qu’en avez-vous pensé ? Quelles sont les couleurs qui vous plaisent ? Préférez-vous ceux faits en machine ou ceux faits à la main ? Nous attendons vos retours et espérons que vous avez apprécié le compte-rendu, même tardif , de cette visite !
[1] Je recommande le livre de William Wood, pour
pousser plus loin la réflexion sur la tradition. Il se penche sur la production
des textiles Zapotèques dans un contexte de concurrence internationale (Made in Mexico: Zapotec Weavers and the Global
Ethnic Art Market)
Petit rappel : Ce projet de vente de châles portes-bébés a pour objectif l'autonomie financière des ateliers d'éducation populaire et sanitaire dans les villages partenaires, animés par les sages-femmes traditionnelles membres de l'ONG OMIECH.
Vous pouvez déjà soutenir notre campagne de dons sur Kisskissbankbank :
***
« Hogar Comunitario Yach’il Antsetik » :
un foyer par et pour les femmes.
C’est grâce aux réseaux
sociaux que j’ai pris connaissance de cette association installée à San
Cristobal de Las Casas, dans le quartier de San Diego. Curieuse de leurs
activités, je suis entrée en contact avec elles afin de proposer un
rendez-vous. La réponse n’a pas tardé, avec en prime une invitation à
participer à un atelier d’ « Autoconocimiento » (Connaissance de soi) !
Cet atelier a regroupé une vingtaine de femmes de toutes origines culturelles,
et nous a permis de faire le point sur notre quotidien, sur les difficultés que
nous avons pu surmonter au long de notre parcours, d’identifier nos ressources,
ce que nous avons à offrir aux autres, mais également ce que nous recherchons
dans nos relations avec les autres. Cet atelier a aussi été l’occasion pour moi
d’en savoir plus sur les activités du foyer associatif.
Créée il y a 17 ans par
Doña Maria de la Luz, l’association Yach’il Antsetik (Femmes Nouvelles) a pour
vocation d’accompagner les femmes enceintes sans aucune ressource économique ni
familiale à donner la vie dans les meilleures conditions possibles. Les femmes
sont accueillies dans le foyer pour une durée de 4 mois : à partir du huitième mois de grossesse et jusqu’à deux
mois après l’accouchement. Pendant toute cette période, elles sont hébergées, nourries,
et participent à divers ateliers (de poterie, de macramé, d’alphabétisation,
d’éducation aux droits sexuels, de préparation à la naissance…). Ces ateliers
sont ouverts à tous et toutes. Des représentantes des communautés indigènes
avec lesquelles travaille le Foyer sont invitées à ces ateliers, puis le
répliquent avec d’autres femmes lorsqu’elles retournent dans leur communauté. Chaque
femme qui séjourne dans le foyer apporte sa pierre à l’édifice en enseignant
aux autres et en apprenant d’elles. Les ateliers de poterie et macramé ont par
exemple débutés grâce à l’initiative de certaines femmes, qui ont profité de
leur séjour dans le foyer pour faire partager aux autres leurs connaissances
en la matière.
Le foyer comporte donc
une salle pour l’organisation d’ateliers, une garderie où le personnel s’occupe
des plus de 2 ans pendant que leurs mamans sont en ateliers, une cuisine,
quelques chambres (6 lits en tout), une salle-atelier de poterie, une boutique-friperie
(les bénéfices sont partagés entre les pensionnaires du moment), une salle
d’accouchement avec baignoire, un jardin de plantes médicinales sur le toit, et
une serre maison pour faire pousser des champignons - rien que ça !
Le personnel est composé de 15 personnes (dont 1 homme) ainsi que de
volontaires nationaux et internationaux. Il y avait deux femmes qui
séjournaient dans le foyer lors de ma visite, les autres lits étaient
inoccupés. Les femmes ne sont pas obligées de rester 4 mois entiers, elles
peuvent quitter le foyer à tout moment. Par exemple il est arrivé que certaines
s’en aillent deux semaines après l’accouchement car elles avaient trouvé un
emploi. Les anciennes habitantes du foyer sont invitées à revenir à un atelier
mensuel, afin de savoir comment elles vont.
A
l’origine réservé uniquement aux femmes, le foyer accueille également depuis un
an des couples, ainsi que des femmes qui ont quelques ressources mais acceptent
de s’intégrer dans le fonctionnement du foyer et souhaitent vivre l’expérience
d’une naissance respectée. L’association et son personnel travaille afin de
repenser l’expérience de l’accouchement, en plaçant les femmes au centre de la
naissance, en respectant le rythme et les décisions de chacune[i]. Des sages-femmes
travaillent avec le foyer et sont de
garde pour l’accouchement. Certaines sont des infirmières sages-femmes
internationales, mais la plupart viennent de communautés indigènes. Les sages-femmes
échangent leurs savoirs et se forment également entre elles. Après chaque
accouchement a lieu une réunion avec l’équipe de l’association, qui revient sur
le déroulement de l’accouchement. « Chaque accouchement est différent.
Nous avons souvent des accouchements « particuliers », car les femmes qui
viennent nous voir vivent des conditions particulières, souvent très
difficiles » explique Judith, psychologue au sein de l’équipe. Quand je lui demande s’il y a des cas au
cours desquels les accouchements se terminent à l’hôpital, elle me répond que
oui, cela arrive. Quand au bout de 48 à 72 heures l’accouchement est toujours
en cours, elles préfèrent diriger la femme vers un hôpital, avec l’accord de
celle-ci. Le foyer est également en contact avec le gouvernement pour les cas
d’adoption. Que cela soit pour le type d’accouchement ou à propos de
l’adoption, la décision finale revient à la mère - « Il n’y a pas de bonne ou mauvaise
décision ; dans tous les cas, la ‘bonne’ décision est celle que prend la
femme concernée », insiste Judith.
Pour Judith, le foyer peut
être comparé à un cocon au sein duquel les femmes peuvent se ressourcer et
reprendre des forces, avant de démarrer une nouvelle vie. Quant à l’avenir du
foyer dans 10 ans, Judith est prête à continuer à soutenir les femmes qui en
ont besoin pour un long moment, malgré les difficultés financières, malgré le
contexte de violence et de marginalisation que vivent les femmes indigènes dans
le Chiapas. Elle souhaiterait bien sûr accueillir plus de femmes, même si les
conditions ne le permettent pas toujours. En ce moment un groupe est en train
de réfléchir à de nouvelles pratiques au sein du foyer – de nouveaux thèmes
d’ateliers, de nouvelles manières de communiquer. L’un des thèmes émergeant est
de réfléchir à de nouvelles manières de vivre équitablement entre hommes et
femmes. « Ici nous continueront à travailler, à faire ce que nous savons
faire ». Donner aux femmes l’expérience d’une naissance respectée, afin de
leur montrer que oui, elles peuvent continuer à avancer, et que dans leur
lutte, elles ne sont pas seules.
Articles issus du blog de voyage Partera Madrina.
Maison de Naissance d'Angelina Martinez Miranda à Cuernavaca et Maison de Naissance de Magdalena Olivera à Ayutla Mixe - Mai 2010.
Alice et Angelina |
Je suis a Cuernavaca depuis 3 jours, chez Angelina et toute sa famille, pour m'immerger dans le quotidien d'une partera, et pas n'importe laquelle ! Angelina est un amour de femme, dynamique, et d'une douceur extreme avec toutes les petites jeunes femmes qui viennent la voir, avec tout le monde d'ailleurs. Ce qui ne l'empeche pas d'etre une boule d'energie qui court d'un lieu a un autre, et qui enchaine les consultations sans pauses... sans compter la possibiliter d'une naissance quotidienne dans l'une de ses charmantes chambres destinées a cet effet.
Je suis arrivée un matin, avec mes sacs, dans cette cours interieur - salle d'attente, ou les familles attendent a l'ombre du manguier sur des chaises de jardin. J'entends la voie d'Angelina provenant du toit, me disant de monter. Une paillasse, un drap et un petit coussin, une femme enceinte allongée dessus, accompagnée de sa petite fille, Angelina, ventouses en main, les lui appliquant une par une sur le dos, et Aya, une jeune apprentie partera israëlienne, ici depuis plus d'un mois. Le tableau est charmant.
On m'installe dans une chambre destinée a accueillir les aides-apprenties parteras, ou vit aussi Aya, et j'enchaine directement sur les consultations avec Angelina. Une premiere femme est la pour sa vesicule biliaire, consultation de santé ( car Angelina est aussi naturista, ici ça veut pas dire naturiste mais plutot naturopathe d'aprés ce que j'ai compris, en tout cas ses conseils d'hygiene de santé s'en rapprochent beaucoup...). J'aide a confectionner les flacons de teintures de plantes destinés a l'aider a evacuer le trop-plein de sa vesicule. Conseils d'alimentation, de positions pour dormir, et ma chérie, regarde-toi dans la glace tout les matins et dis-toi que tu es une reine, et que tu es une personne magnifique qui mérite de belles choses, d'accord? Elle parlait a cette femme avec tant de coeur, de femme a femme, j'ai failli pleurer.
Angelina et un des enfants (ac)cueillis par elle |
Une derniere consultation, cette fois il s'agit d'une jeune maman qui souffre de saignements et d'anemie. Exctraction du sterilet. Elle repare avec son mari, leur petite fille, et un stock de preservatifs en attendant de trouver autre chose qui lui conviendra mieux.
Intense.
Pour elle la journée ne sera pas finie, le soir-meme, elle prenait un bus pour une ville a la frontiere des Etats-Unis afin de visiter son pere quelques jours ...
La maison d'Angelina semble impossible a vider. Des enfants par ci, une petite grand-mere par la, une femme adorable qui fait a manger toute la journée les jours de consultation, un couple avec leur bébé, des visiteurs, ... Explication : Angelina et son mari ont 5 fils. 3 et demi vivent ici, car celui qui a un bébé, avec son adorable copine fabriqueuse de couches lavables, passent de temps en temps mais vivent ailleurs. 2 jeunes garçons, encore a l'ecole. Et Esteban, son fils partero, comme elle, qui était aussi présent au congrés Midwifery Today en Allemagne 2 années auparavant. Il y a Aya, bien sur, la toute charmante. Et la grand-mere il me semble que c'est la maman du mari, mais pas sur... Enfin, c'est vivant ici! J'adore ça.
Esteban s'est formé a la parteria auprés de sa mere, qui fut sa partera madrina dans le cadre de l'école Luna Llena d'Oaxaca. Clin d'oeil a Maurizio qui s'y trouve en ce moment-meme. Tout se rejoint, tout le monde se connait, tout est connecté, c'est vraiment intéréssant.
Aya et Sally, étudiantes, et Esteban, sage-femme et fils d'Angelina |
Et hier soir, je rentre a la nuit tombée, et trouve une petite foule installée dans la cours de la maison, sous le manguier. Un temps pour comprendre. Deux jeunes femmes sont en travail en meme temps, l'une avec son mari, leur fille d'un an, et la grand-mere, et l'autre avec sa maman et son mari. Elles sont debout, l'une appuyée sur une chaise, l'autre se promene, en chemise de nuit, les cheveux lachés, les yeux intenses refletant leur état. Pleines d'hormones. Je monte me changer, croise Esteban, et redessant en vitesse avec des habits qui peuvent etre tachés.
Le bébé a froid, on ferme les fenetres. Combien de temps s'écoule? D'autres contractions, ... le placenta sort. Esteban la nettoie. Je baille, m'endort presque assise sur ma petite chaise. Il me dit d'aller me reposer. Je sort du cuarto des consultations, a ma droite j'entends un gémissement dans l'autre chambre, j'entrouve la porte, ... l'autre jeune femme enceinte, assise sur le grand ballon, s'appuie dans les bras du papa. La piece est dans la pénombre, autre ambiance d'accouchement. Je pars me coucher en pensant a Esteban qui ne vas pas dormir cette nuit...
Alice
Tacos de Placenta
Taco de placenta
|
C'est du vrai!! Ce matin , a peine le temps de finir de manger qu'un autre accouchement nous a fait accourir en vitesse avec les tasses de café dans la chambre des naissances. Quand je parle de nous, cette-fois ci c'était avec Angelina, rentrée hier soir. Le travail était bien avancé pour cette jeune femme, soutenue par son mari. Je ne saurais pas dire quel age elle avait, mais elle semblait un peu plus agée que la précedente, et c'etait son premier accouchement. Le papa était vraiment investit, avec beaucoup de douceur, de self-control, de calme, c'était beau a voir. Angelina a mise la maman plus a l'aise, habillée de maniere plus approprié car on approchait midi et il faisait trés chaud. Elle l'a prise dans ses bras et serrée doucement contre sa poitrine le temps d'une contraction, puis lui a proposé de s'agenouiller, accoudée au lit. La jeune femme avaient des mouvements de bassin trés instinctifs qui permettaient au bébé de trouver son chemin, profitant de la position verticale, en utilisant son propre poids et l'apesanteur pour glisser tout doucement dans le bassin. La jeune femme se relevait, marchait, toujours accompagné par le papa vers lequel elle se tournait a chaque début de contraction pour l'enlacer et s'appuyer sur lui en pliant les genoux afin d'offrir de l'amplitude a son bassin. Trés belle scene. Angelina lui proposa alors de se suspendre a un hamac-siege, juste a la hauteur necessaire pour que le cordage la soutienne au niveau des aisselles quand elle se baisse, egalement super pour lacher dans le bassin. Une contraction dans cette position, mais je jeune femme souhaite se rallonger. Alors Angelina propose cette fois-ci au papa, tant investit, de s'assoir derriere sa compagne dans le lit pour la soutenir et la rassurer, tout en lui offrant une position plus confortable, plus redréssé. L'idée leur plait, ils s'installent. Je n'ai pas compris pourquoi, mais c'etait tellement mignon de voir cet homme n'enlever q'une chaussure, pour le pied dans le lit, et l'autre pied chaussé a terre... Je garde cette image en tete. La naissance approche, on entrevoit les cheveux du bébé dans le vagin qui commence a s'ouvrir. A chaque contraction, elle sort un peu plus, et remonte. Ce fut ainsi pendant un bon moment. Puis, une partie de la tete emmerge, et ne remonte pas dans le vagin cette fois-ci. Angelina me demande d'aller chercher le miroir suspendu au mur de l'autre chambre, ce qui m'offre l'occasion de faire un coucou a la mignonne qui a accouché la nuit d'avant. De voir la tete de son bébé, de pouvoir la toucher enthousiasme la maman. La tete sort, suivie du corps. Angelina l'essuie, me demande de liberer la maman du rebozo qui lui entoure le ventre sous sa poitrine, et pose le nouveau-né contre le sein de sa mere. Le papa donne l'impression d'avoir accouché lui aussi, de son point de vue, un peu surelever par rapport a la maman, mais dans le meme angle qu'elle, il a vécut l'experience d'etre en plein dedans. Le corps vibrant de sa femme sur lui, main dans la main, pied contre pied (elle appuyait son pied sur celui de son mari, recourbé en flex pour qu'elle puisse pousser dessus), ils etaient en communion tout les 2. C'était beau. Le placenta est sortit trés rapidement aprés, avec la poche complete. Angelina a installé la jeune femme confortablement allongée sur le coté, le bébé en peau a peau contre son sein pour téter. Puis, s'est installée par terre avec la cuvette du placenta, et un grand drap étenche. Elle a pris le placenta, déployant la poche de l'interieur en y glissant sa main, afin que le couple puisse voir dans quoi vivait leur bébé depuis neuf mois. Puis elle a tout étalé sur le drap, a plat, afin que l'on puisse admirer chaque nervures, chaque branche de cette plante organique. Elle a donné une jolie forme au cordon, tartiné un peu de sang sur le tout et avec une feuille de papier blanc appliquée dessus, a créer une photo du placenta et du cordon.
Empreinte de placenta |
Nouveaux parents! |
J'ai donc observé Angelina laver et "dépesser" le placenta, le couper en morceaux avec ses mains, tout relaver, ... J'ai décliné sa proposition d'en utiliser un peu pour m'en faire un masque faciale... Nous avons coupé de l'ail et des oignons, elle a fait revenir le tout dans une poele un bon moment, y a ajouté quelques herbes, de la sauce, et a glissé le tout dans des tacos! Trop drole.
En attendant, le jeune femme reprenait des forces avec un chocolat chaud et de la papaye. Et s'est ensuite régalée de tacos au placenta!!! Que le mari a gouté aussi, et apparement c'est trés bon!
Alice
Village perché dans les montagnes..
Ici l'eau et l'air ne manquent pas, c'est pas comme Oaxaca.
Nous revenons de ce lieu oú nous avons rencontrés Magdalena, jeune partera ancienne élève issue de la permiere génération de l'ecole Luna Llena de Oaxaca. Charmante jeune femme dont le dynamisme, la volontée, l'independance, la sensibilté et la conviction l'ont menés à offrir un exemple unique. Elle est l'une des 8 jeunes parteras indigènes ayant, une fois sorties de l'ecole, créé avec l'aide d'Araceli Gil et de Cristina Galante sa propre "Casa de Luna". Une petite maison de naissance, lieu de travail ultra pratique, confortable et vraiment adorable venues se nicher dans ce petit village qu'est Ayutla Mixes.
Ici, on parle Mixe, et parfois pas español. MAis toutes personnes qu'on y rencontré parlaient español, de la grands-mère en costume traditionnel au gamins du jardin d'enfant...
Quand je pense que dans ce pays, nombreux sont les bilingues depuis la petite enfance, j'ai un profond respect pour eux.
Pour en revenir a Magda et à sa Casita de Parto, autant dire qu'on en revient toujours pas !(même si en réalité, on est rentrés a Oaxaca ce matin...)
Son accueil fût vraiment chaleureux, et une chose est sûre : elle a pas besoin de se rendre aux ateliers de therapie du rire, elle rit déjà tout le temps!! Constamment de bonne humeur, elle se prends pas la tête, se pose pas de questions inutiles, elle avance!
Active depuis trés jeune, elle s'est toujours investie dans la toile socio-sanito-culturelle des lieux oú elle se trouve. Auprès des femmes, des enfants, des jeunes, ... Elle sait oú elle va, quoi qu'il puisse arriver, elle se doit d'essayer, de tenter, d'expérimenter. Et sa curiosité la guide et l'amène à apprendre toujours plus. Elle semble être de la même veine, ce même genre de femmes intarrissable qu'est Angelina. MAis à sa manière bien sûr.
J' hésite à trop en raconter, c'est qu'on a des chouettes images d'elle, mais faudrait pas tout raconter avant que vous puissiez voir le film...
Je vais donc m'arrêter là pour l'instant.
Bises à tous.
Alice
Ayutla Mixes
Magdalena et Consuelo dans la maison de naissance d'Ayutla Mixe |
Village perché dans les montagnes..
Ici l'eau et l'air ne manquent pas, c'est pas comme Oaxaca.
Nous revenons de ce lieu oú nous avons rencontrés Magdalena, jeune partera ancienne élève issue de la permiere génération de l'ecole Luna Llena de Oaxaca. Charmante jeune femme dont le dynamisme, la volontée, l'independance, la sensibilté et la conviction l'ont menés à offrir un exemple unique. Elle est l'une des 8 jeunes parteras indigènes ayant, une fois sorties de l'ecole, créé avec l'aide d'Araceli Gil et de Cristina Galante sa propre "Casa de Luna". Une petite maison de naissance, lieu de travail ultra pratique, confortable et vraiment adorable venues se nicher dans ce petit village qu'est Ayutla Mixes.
Ici, on parle Mixe, et parfois pas español. MAis toutes personnes qu'on y rencontré parlaient español, de la grands-mère en costume traditionnel au gamins du jardin d'enfant...
Quand je pense que dans ce pays, nombreux sont les bilingues depuis la petite enfance, j'ai un profond respect pour eux.
Pour en revenir a Magda et à sa Casita de Parto, autant dire qu'on en revient toujours pas !(même si en réalité, on est rentrés a Oaxaca ce matin...)
Son accueil fût vraiment chaleureux, et une chose est sûre : elle a pas besoin de se rendre aux ateliers de therapie du rire, elle rit déjà tout le temps!! Constamment de bonne humeur, elle se prends pas la tête, se pose pas de questions inutiles, elle avance!
Active depuis trés jeune, elle s'est toujours investie dans la toile socio-sanito-culturelle des lieux oú elle se trouve. Auprès des femmes, des enfants, des jeunes, ... Elle sait oú elle va, quoi qu'il puisse arriver, elle se doit d'essayer, de tenter, d'expérimenter. Et sa curiosité la guide et l'amène à apprendre toujours plus. Elle semble être de la même veine, ce même genre de femmes intarrissable qu'est Angelina. MAis à sa manière bien sûr.
J' hésite à trop en raconter, c'est qu'on a des chouettes images d'elle, mais faudrait pas tout raconter avant que vous puissiez voir le film...
Je vais donc m'arrêter là pour l'instant.
Bises à tous.
Alice
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