A l’attention de: Denise Grady et Janet Jarman
Cc: Rédaction publique du New York Times
Objet: Droit de réponse [1]
Le 10 Septembre 2015,
Au
nom de la section Femmes et sages-Femmes de l’Organisation des médecins
indigènes de l’Etat du Chiapas (OMIECH), nous invoquons le droit de réponse à
l’article « Training Midwives to Save Expectant Mothers in Chiapas »
(Former les sages-femmes pour sauver les futures mamans au Chiapas), de Denise
Grady avec les photographies de Janet Jarman, et publié en ligne le 31 août
2015 sous le lien suivant http://www.nytimes.com/2015/09/01/health/midwife-mexico-chiapas.html
Les
raisons pour lesquelles les femmes indigènes meurent pendant l’accouchement
sont complexes. Alors que l’article de Grady et de Jarman souligne certaines
des raisons structurelles comme la pauvreté et le manque d’infrastructures, ce
dernier insinue aussi que le manque de formation professionnelle des
sages-femmes traditionnelles indigènes est responsable des taux élevés de mort
maternelle dans l’état du Chiapas (« Avec un service de santé adéquat,
presque toutes les morts pendant la grossesse et l’accouchement peuvent être
évitées »).
Le
titre de l’article « Former les sages-femmes pour sauver les futures
mamans au Chiapas » suggère que c’est uniquement au travers d’une
« formation » que les sages-femmes traditionnelles indigènes sont
capables de fournir des soins appropriés, et transmet une vision ethnocentrique
de la médecine traditionnelle Maya. Ces dernières se basent sur une grande
variété de techniques et de plantes pour soigner les femmes lors de leur
grossesse et leur accouchement , un savoir qui est transmis de génération
en générations depuis des siècles, au Chiapas et dans d’autres régions du
monde.
Pour les lecteurs
et lectrices qui ne sont pas familier.e.s avec le contexte du Chiapas,
certaines parties de l’article transmettent une vision péjorative des hommes
indigènes, qui placeraient la vie de leur femme en-deçà des coûts de transfert.
Au contraire, dans le cas d’une urgence, les proches vont mettre en commun
leurs ressources pour couvrir les coûts de transport des femmes jusqu’à
l’hôpital le plus proche. Mais, et ceci est mentionné par les auteures, lorsque
les soins appropriés ne sont pas fournis aux femmes dans les hôpitaux et
qu’elles sont forcées à accoucher par césarienne ou, comme ce fut le cas très
récemment, lorsqu’elles meurent dues à des négligences médicales, alors la
réticence de ces femmes et de leurs proches à quitter leur domicile peut mieux
se comprendre.
Comme
l’ont mentionné les auteures, le gouvernement remplace peu à peu les
sages-femmes traditionnelles par des sages-femmes professionnelles dans des
maisons de naissance ou dans des hôpitaux, en utilisant le même argument que
ces dernières: « sauver les futures mamans ». L’OMIECH conteste de
telles affirmations, qui ne font qu’accuser les sages-femmes traditionnelles
autochtones et leur culture, plutôt que de rechercher les causes plus profondes
de la mort maternelle. Alors que la vidéo et les photographies capturent bien
le travail des sages-femmes et la violence structurelle à laquelle elles font
face, le contenu de l’article promeut les formations gouvernementales qui
contribuent à l’éradication du savoir autochtone, et représentent la
continuation de l’oppression à laquelle les populations indigènes du Chiapas
ont résisté pendant 500 ans.
L’OMIECH
a soutenu et défendu le travail des sages-femmes traditionnelles autochtones
depuis plus de 30 ans. Celles-ci détiennent une connaissance profonde sur la
grossesse, l’accouchement et la période post-partum qui pourrait être intégrée
dans le système de santé au travers de la formation de personnel médical.
Toutefois, l’organisation verticale de la formation des sages-femmes indigènes
ne tient pas compte des connaissances traditionnelles. Chaque année, l’impact
des mesures gouvernementales se note un peu plus : il y a de moins en
moins de sages-femmes traditionnelles, puisqu’apprendre une profession où leur
savoir est continuellement remis en question et où elles sont accusées de
contribuer à la mort des femmes desquelles elles prennent soin n’intéresse pas
les jeunes femmes.
Notre
réponse a pour but de contextualiser certains des faits présentés dans
l’article, étant donné que les lecteurs et lectrices peuvent ne pas être
familiers avec le travail et les conditions de vie des sages-femmes
traditionnelles indigènes, et ainsi être amené.e.s à la conclusion qu’une
formation biomédicale est la seule solution pour sauver la vie des futures
mamans. Nous invitions les auteures à rendre visite à notre association dans le
Chiapas afin de continuer cette conversation- une invitation ouverte également
aux lecteurs et lectrices.
Les
hommes et les femmes Mayas ont une profonde connaissance des moyens de se
soigner eux-mêmes et en tant que populations autochtones, nous avons
besoin de récupérer ce savoir, le renforcer et le défendre. Et, pour ce faire,
nous avons besoin de nous réorganiser nous-mêmes.
Respectueusement,
Micaela Icó Bautista, Fondatrice et coordinatrice de la section Femmes et
sages-femmes de l’OMIECH
Mounia El Kotni, Candidate au Doctorat d’Anthropologie, SUNY Albany
Susannah Daniels, Candidate au Doctorat d’Etudes mésoaméricaines,
UNAM
Alice Bafoin, Association Mâ
Alba Rocío Ramírez Pérez, Etudiante en Licence de Gestion et
auto-développement autochtone, UNACH
Irazu Gómez, Fondation Enbit A. C.
Fernando Hernández
Ojob, Fondateur de la Fondation Y’ibel Cuxlejalil
[1] Traduction Française : Céline Paillet
***
Attention: Denise Grady, Janet Jarman
Cc: New York Times Public Editor
Subject: Right to reply
September 10, 2015,
On behalf of the Women and Midwives’ Section of
the Organization of Indigenous Doctors of Chiapas (OMIECH), we are invoking the
right to reply to the article “Training Midwives to Save Expectant Mothers in
Chiapas”, written by Denise Grady with photographs from Janet Jarman, and
published online on August 31st, 2015 under the link http://www.nytimes.com/2015/09/01/health/midwife-mexico-chiapas.html
The reasons why indigenous women in Highlands
Chiapas die in childbirth are complex. While Grady and Jarman’s article
highlights some of the structural reasons, such as poverty and the lack of
infrastructures, it also implies that it is the lack of formal training of
traditional indigenous midwives that is responsible for the high rates of
maternal deaths in the state of Chiapas (“With proper, basic health care,
nearly all deaths during pregnancy and childbirth can be prevented”).
The article’s title, “Training Midwives to Save
Expectant Mothers in Chiapas”, suggests that it is only through “training” that
traditional indigenous midwives are able to provide proper care, and conveys an
ethnocentric viewpoint of traditional Mayan medicine. Traditional indigenous
midwives rely on a wide array of techniques and plants to care for women during
pregnancy and birth, a knowledge that has been transmitted across generations
for centuries, in Chiapas as in others regions of the world.
For readers who are not familiar with the
context of Chiapas, parts of the article convey a derogatory view of indigenous
men, who would put their wives’ lives below the cost of transportation. On the
contrary, in the case of an emergency, family members will pool resources in
order to cover the cost of transporting mothers to the nearest hospital. But –
and this is mentioned by the authors - when women are not provided with proper
care in hospitals and forced into Cesarean-sections, or as it has been the case
very recently, die because of medical negligence, then the reluctance of women
and their families to leave their home can be better understood.
As the authors mentioned, the government is
slowly replacing traditional midwives with professional ones in birth centers
or hospitals, using the same arguments as the authors’: “save expectant
mothers”. The Organization of Indigenous Doctors of Chiapas disagrees with such
statements, which only blame traditional indigenous midwives and their culture,
instead of searching for the deeper causes of maternal deaths. While the video
and pictures capture the work of midwives and the structural violence they face
from the state, the content of the paper promotes the state-sponsored trainings
which, contribute to the eradication of indigenous knowledge, and are a
continuation of the oppression that indigenous peoples of Chiapas have been
resisting for more than five hundred years.
The Organization of Indigenous Doctors of
Chiapas (Organización de Médicos Indígenas del Estado de Chiapas- OMIECH) has
been supporting and defending the work of traditional indigenous midwives for
more than thirty years. Traditional indigenous midwives carry a deep knowledge
about pregnancy birth and postpartum, which could be integrated into the
healthcare system through the training of biomedical practitioners. However,
the top-down framing of trainings of indigenous midwives does not take these
into account. Every year we are noticing the impact of governmental policies:
there are less and less traditional midwives, as younger women are not
interested in learning a profession where their knowledge is constantly called
into question, and where they are unjustly accused of contributing to the death
of the women they care for.
Our response aims at contextualizing some of the
facts presented in the article, as readers might not be familiar with the work
and living conditions of traditional indigenous midwives, and be led to believe
that biomedical training is the only solution to saving mothers’ lives. We
invite the authors to visit our organization in Chiapas to continue this
conversation – an invitation extended to the readers as well.
Indigenous men and women have a deep knowledge
about how to cure themselves; as indigenous peoples, we need to retrieve this
knowledge, strengthen it, and defend it. And in order to achieve this, we need
to re-organize ourselves.
Respectfully,
Micaela Icó Bautista, Founder and Coordinator of the Women and Midwives’ Section of
OMIECH
Mounia El Kotni, Ph.D. Candidate in Anthropology, SUNY Albany.
Susannah Daniels, Ph.D. Candidate in Mesoamerican Studies, National Autonomous
University of Mexico, UNAM
Alice Bafoin, Association Mâ
Alba Rocío Ramírez Pérez, Undergraduate Student in Indigenous Management and Development,
National Autonomous University of Chiapas, UNACH
Irazu Gómez, Fundación Enbit A. C.
Fernando Hernández Ojob, Founder of Y’ibel Cuxlejalil Foundation
***
Atención: Denise Grady, Janet Jarman
Cc: New York Times, Editor
Objeto: Derecho a réplica
10 de Septiembre 2015,
Por
parte del Área Mujeres y Parteras de la Organización de Médicos Indígenas del
Estado de Chiapas (OMIECH), invocamos el derecho a réplica al artículo
“Training Midwives to Save Expectant Mothers in Chiapas” (Capacitando a
Parteras para Salvar a las Futuras Madres en Chiapas), de Denise Grady con
fotografías de Janet Jarman, publicado en línea el 31 de Agosto, 2015 con la
siguiente dirección http://www.nytimes.com/2015/09/01/health/midwife-mexico-chiapas.html
Las
razones por las cuales las mujeres indígenas mueren durante el parto son
complejas. Mientras el artículo de Grady y Jarman subraya unas razones
estructurales, como la pobreza y la falta de infraestructuras, esto insinúa
también que es la falta de capacitación formal de las parteras tradicionales
indígenas y que las hace responsables de las altas tasas de muerte materna en
el estado de Chiapas (“Con atención básica adecuada de salud , casi todas las muertes
durante el embarazo y el parto se pueden prevenir”).
El
título del artículo, “Capacitando a Parteras para Salvar a las Futuras Madres
en Chiapas”, transmite una visión etnocéntrica de la medicina tradicional Maya,
y sugiere que es sólo a través de una capacitación oficial que las parteras
indígenas tradicionales son capaz de proveer una atención adecuada. Las
parteras indígenas tradicionales se basan sobre una variedad de técnicas y
plantas para cuidar a las mujeres durante el embarazo y el parto; un
conocimiento que se ha transmitido de generación en generación durante siglos,
en Chiapas como en otras regiones del globo.
Para los y las lectores/as que no son familiarizados con el contexto
de Chiapas, partes del artículo transmiten una visión despreciada de los
hombres indígenas, quienes, meterían la vida de sus esposas debajo del costo de
transportación. Al contrario, en el caso de una emergencia, familiares buscan
recursos para cubrir los gastos de transportar a las mujeres hasta el hospital
más cercano. Pero –y eso fue mencionado por las autoras – cuando las mujeres no
son atendidas en el hospital y terminan con Cesáreas forzadas, o, cómo fue el
caso muy recientemente en Chiapas, mueren por negligencia médica, entonces la
reticencia de las mujeres y sus familias de quitar su casa se puede entender
mejor.
Como
mencionaron las autoras, el gobierno está reemplazando poco a poco a las
parteras tradicionales por parteras profesionales en casas de parto o en
hospitales – utilizando el mismo argumento que las autoras “salvar a las
futuras madres”. La Organización de Médicos Indígenas del Estado de Chiapas
rechaza tal afirmaciones, que sólo acusa a las parteras tradicionales y su
cultura, en vez de buscar a las causas más profundas de las muertes maternas. A
pesar de que las fotografías y el video de Jarman captura el trabajo de las
parteras y la violencia estructural que padecen, el contenido del articulo
promueve las capacitaciones de las parteras indígenas por el estado, que contribuye
a la erradicación de los saberes indígenas, y son una continuación
de la opresión que los pueblos originarios de Chiapas han estado resistiendo
por más de quinientos años.
Por
más de treinta años, la Organización de Médicos Indígenas del Estado de Chiapas
ha rescatado y defendido el trabajo de las parteras indígenas tradicionales.
Las pateras indígenas tradicionales tienen prácticas de atención durante el
embarazo, el parto y el postparto que podrían integrarse al sistema biomédico para
capacitar al personal de salud. Sin embargo, por el planteamiento vertical de
las capacitaciones a parteras, dichos saberes son ignorados. Cada año, estamos
viendo el impacto de las políticas gubernamentales: hay cada vez menos parteras
indígenas, y las mujeres jóvenes no están interesadas en aprender una profesión
en la cual su conocimiento está siempre cuestionado, y dónde están acusadas en
contribuir a la muerte de las mismas mujeres que cuidan.
Nuestra
respuesta tiene por objetivo contextualizar unos de los datos presentados en el
artículo, para los y las lectores que no son familiares con el trabajo y las
condiciones de vida de las parteras tradicionales indígenas, y podrían creer
que la capacitación biomédica es la única solución para salvar la vida de las
madres. Invitamos a las autoras a visitar a nuestra organización en Chiapas
para continuar esa conversación – una invitación extendida a sus lectores.
Como
mujeres y hombres indígenas, tenemos un conocimiento amplio de como
curarnos; solo hay que buscarlo, levantarlo, y rescatarlo. Y por eso, tenemos
que re-organizarnos.
Atentamente,
Micaela Icó Bautista, Fundadora y Coordinadora del Área de Mujeres y
Parteras de la OMIECH
Mounia El Kotni, Candidata a Doctorado en Antropología, SUNY Albany
Susannah Daniels, Candidata a Doctorado en Estudios Mesoamericanos,
UNAM
Alice Bafoin, Association Mâ
Alba Rocío Ramírez Pérez, Estudiante de Lic. Gestión y
Autodesarrollo Indígena, UNACH
Irazu Gómez, Fundación Enbit A. C
Fernando Hernández Ojob, Fundador de Y’ibel Cuxlejalil Foundation. “Para la
Preservación del Conocimiento Ancestral”